Contextes - La Grande Guerre et son droit - 160

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eN GuISe De BILAN

cas de force majeure per se82. on remarquera cependant que, en matière
de baux, la jurisprudence s'évertue à qualifier de troubles de droit, pour
les mettre à la charge du bailleur, certains événements liés à la guerre. Par
exemple, en cas de réquisition de l'immeuble par l'État, le preneur a droit
à une indemnité pour trouble de jouissance, selon une jurisprudence (CA
Poitiers, 12 juillet 191583 et trib. civ. de Cusset, 22 janvier 191584) qui n'est
pas nouvelle et même si la réquisition est nulle en la forme. Constituent
également des troubles de droit le cantonnement, l'obligation d'entreposer
chez soi des marchandises appartenant à la troupe ou à une administration
publique et, plus généralement, les mesures de police qui produisent des
conséquences sur les baux. Quant aux troubles de fait, la jurisprudence les
assimile autant qu'il est possible à la perte ou à la destruction de la chose
pour les mettre à la charge du bailleur, selon une habitude qui remonte au
moins à la guerre de 187085. Par exemple, le preneur qui a quitté les lieux
par crainte du danger, s'il rapporte la preuve d'un danger réel et éminent,
a droit à une réduction compensant la période de non-jouissance, d'après
une jurisprudence ancienne86. Dans tous les cas il appartient aux juges du
fond de vérifier que l'immeuble loué est devenu inhabitable et d'apprécier
in abstracto le comportement de celui qui, de sa propre volonté, quitte les
lieux avant le bombardement (req. 3 juill. 191887). on remarquera également que, si la guerre ne met pas fin de plein droit au contrat de travail
à durée indéterminée (c'était déjà la solution lors du conflit de 187088), elle
constitue un motif légitime de rupture au sens de l'article 1780 C. civ.89
Celui qui ferme ses magasins peut donc congédier ses salariés90. Quant
à la mobilisation du salarié91, elle provoque seulement la suspension du
82. Les juges d'appel n'ayant pas évoqué l'impossibilité d'exécuter (Pand. périodiques,
1918, p. 201).
83. S. 1916.2.1.
84. Gaz. Trib. 19 mars 1915.
85. Paris, 27 janvier 1871, D. 1871.3.6.
86. Paris, 5 avril 1873, D. 1874.5.314.
87. Pand. périodiques, 1918, p. 160.
88. Les changements apportés dans la marche des affaires ne dispensent pas du dédit qui
a été stipulé pour le cas de renvoi anticipé (Nancy, 14 juillet 1871, D. 1871.2.236). Le salarié
non congédié a droit à son salaire nonobstant les dommages causés par la guerre invoqués
par l'employeur (Paris, 2 décembre 1871, D. 1872.5.307).
89. Les dispositions relatives aux réparations des dommages de guerre demandent cependant à l'employeur de reprendre de préférence ses anciens salariés lorsqu'il a reconstitué
son activité. Selon la jurisprudence, la loi du 22 novembre 1918 oblige même l'acquéreur
d'une entreprise à reprendre les salariés parce que le droit qu'elle accorde aux mobilisés
« s'impose aux entreprises elles-mêmes, dès lors qu'elles continuent leur fonctionnement »
(Cass. civ., 1er juillet 1920, Pand. périodiques, 1920, p. 344).
90. Par exemple : trib. civ. de la Seine, 10 septembre 1915, RTD civ. 1917, p. 19.
91. Dans le cas du patron, le Conseil des prud'hommes de Paris a pu juger le 18 juin 1915
(DP 1916.2.111) que si l'état de guerre empêche l'application rigoureuse des usages et
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