Manuels - Droit des obligations - 8è - 479

DROIT DES OBLIGATIONS
impossibilité pratique. C'est ainsi qu'elle avait été admise par la jurisprudence à la condition de recueillir le consentement du créancier, ce dernier ne pouvant se voir imposer
contre son gré un changement de débiteur3.
Demi-nouveauté, cependant, car ce que l'article 1327 subordonne à l'accord du créancier, c'est la validité même de la cession de dette, et non pas seulement la libération du
cédant. La solution retenue est moins libérale que celle qui figurait dans le projet d'ordonnance où la cession de dette était présentée comme un contrat bipartite entre les seuls
cédant et cessionnaire, l'accord du cédé n'étant requis que pour décharger le cédant,
lequel demeurait à défaut simplement garant des dettes du cessionnaire4. Ce système
revenait à permettre au débiteur de dégrader son obligation en une simple garantie pour
autrui sans l'accord de son créancier, ce qui est apparu inacceptable5.

567. Régime juridique de la cession de dette. - La cession de dette
n'entraîne la libération du débiteur cédant, et ne produit par conséquent un
effet translatif complet, que si le créancier cédé donne pour cela un consentement exprès supplémentaire. À défaut, et sauf clause contraire, le cédant
reste tenu solidairement au paiement de la dette (art. 1327-2 C. civ.).
Dans ce cas, la situation est paradoxale : le cédant a cédé sa dette, qui est donc réputée
avoir été transmise, mais celle-ci continue pourtant à le lier en tant que codébiteur solidaire. Et, si l'on devait appliquer l'article 1318 du Code civil (v. supra, nº 496), le paradoxe
n'en serait que plus grand puisque c'est sur ce cédant que devrait peser la charge définitive de la dette, dans la mesure où c'est lui seul, et non le cessionnaire, qui bénéficie en
principe de la contrepartie de la dette cédée6.

Le cessionnaire, et le cédant s'il reste tenu, peut opposer au créancier cédé
les exceptions inhérentes à la dette (telles la nullité, l'exception d'inexécution,
la résolution ou la compensation de dettes connexes)7. Chacun peut aussi
opposer les exceptions qui lui sont personnelles (art. 1328 C. civ.).
Lorsque le cédant n'est pas déchargé par le cédé, les sûretés subsistent.
Dans le cas contraire, les sûretés consenties par le cédant ou par des tiers
ne subsistent qu'avec leur accord (art. 1328-1, al. 1, C. civ.).
Si le cédant est déchargé, ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette (art. 1328-1, al. 2, C. civ.).

3. Cass. 1re civ., 30 avr. 2009, nº 08-11093, Defrénois 2009, p. 1289, obs. R. LIBCHABER, JCP G 2009, nº 73, note
J.-J. ANSAULT ; RTD civ. 2009.531, obs. B. FAGES. V. aussi L. ANDREU, Du changement de débiteur, Dalloz, 2010.
4. V. sur ce projet P. BERLIOZ, RDC 2015, p. 803 ; M. JULIENNE, ibid., p. 801 ; D. HOUTCIEFF, « Cession de dette ou
délégation : transport de dette ou nouveau débiteur ? », Dr. et patr. 2015, nº 249, p. 75 ; Y. PICOD, « La consécration de la cession de dette » in R. SCHULZE, G. WICKER, G. MÄSCH et D. MAZEAUD (dir.), La réforme du droit des
obligations en France, 5es journées franco-allemandes, Soc. lég. comp., vol. 20, 2015, p. 207.
5. V. en ce sens J. FRANÇOIS, « Les opérations sur la dette » in « Réforme du droit des contrats : quelles innovations ? », RDC hors-série, avr. 2016, p. 45, spéc. nº 18.
6. V. en ce sens J. FRANÇOIS, art. précit., spéc. nº 21, selon lequel « la solidarité et la cession de dette ne font pas
bon ménage, c'est le mariage de la carpe et du lapin ».
7. V. plus généralement F. DANOS, « La notion d'exception inhérente à la dette », D. 2017.1319.

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