Hors collection - Lex Robotica - Le droit à l'épreuve de la robotique - 128

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LA ReSPoNSABILItÉ : Le PoINt De VUe DU JURISte

autonome ? Si le critère de l'usage trouve certainement à s'appliquer, qu'en
est-il du contrôle et de la direction d'un robot apte à prendre des décisions
et à les mettre en pratique, indépendamment de tout contrôle ou toute
influence extérieure13 ? Selon M. David Lutran : « Il est évident qu'un robot
qui échappe à son utilisateur remet en cause un certain nombre de principes
de responsabilité qui existent en droit français et, notamment, la responsabilité du fait des choses puisque l'on ne peut plus parler, à ce moment-là, de
contrôle exercé par l'individu sur la machine »14.
Puisque l'action du robot autonome a cessé de dépendre de sa programmation, une solution pourrait se trouver dans une nouvelle définition de
la garde. Il s'agirait d'adopter une conception juridique, dans laquelle le
gardien serait le propriétaire du robot. Certains proposent l'instauration
d'un système de responsabilité en cascade15. « Dans la mesure où trois ou
quatre acteurs sont en présence (le producteur de la partie physique du
robot, le concepteur de l'intelligence artificielle, l'utilisateur et s'il est distinct
de ce dernier, le propriétaire), il est possible d'imaginer que chacun puisse
supporter une part de responsabilité selon les circonstances dans lesquelles est
survenu le dommage »16. Cette solution présente cependant une difficulté,
qui sera de déterminer la part de responsabilité de chacun.
Le régime de l'article 1242, alinéa 1er du Code civil pose une autre difficulté, liée à la preuve du rôle causal de l'intervention matérielle de la chose
dans le dommage. La jurisprudence a créé au bénéfice de la victime une
présomption de causalité. Cette présomption, consacrée par le projet de
réforme de la responsabilité civile17, s'applique dans les situations où la
chose à l'origine du dommage d'une part était en mouvement lors de la
13. V° Rapport de l'oPeCSt, Pour une intelligence artificielle maîtrisée, utile et démystifiée : or cette garde se matérialise par un pouvoir de contrôle, de direction et d'usage. Mais
alors que l'on conçoit facilement l'usage d'une intelligence artificielle (utiliser le logiciel,
exploiter ses capacités), en avoir la direction et le contrôle semblent deux éléments beaucoup plus difficiles à envisager face à des systèmes d'intelligence artificielle autonomes, de
surcroît non matérialisés physiquement.
14. Les Robots et la loi, Rapport au nom de l'oPeCtS, Compte rendu de l'audition
publique du 10 décembre 2015 et de la présentation des conclusions du 3 mars 2016.
15. À propos de la responsabilité en cascade dans le domaine de l'Internet, V° N. MalletPoujol, De la télématique à l'internet, les chausse-trapes de la responsabilité en cascade, in
Études en l'honneur du Professeur Jérôme Huet, LGDJ 2017, p. 290 et s.
16. oPeCSt, p. 155, pour une intelligence artificielle maîtrisée, utile et démystifiée,
tome 1, p. 150.
17. Projet de réforme de la responsabilité civile, mars 2017, art. 1243, al. 2 : Le fait de la
chose est présumé dès lors que celle-ci, en mouvement, est entrée en contact avec le siège
du dommage.
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