Hors collection - Lex Robotica - Le droit à l'épreuve de la robotique - 25

LUDoVIC GARAttINI

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force en capacité de mettre en culture, en même temps pour l'individu et le
collectif, des phénomènes et des objets qui ne l'étaient pas jusqu'à l'exercice
de cette force. et la robotique, comme ses spécialistes qui y participent,
représente une source privilégiée auprès de laquelle la réalité technique
de ces objets est la plus vivante, car ses spécialistes ont à la fois (et le
plus souvent) la connaissance intime de l'artisan mais aussi la connaissance
abstraite de l'ingénieur·e.
Le CNAM, en tant qu'héritier vivant le plus direct de l'incroyable effort
encyclopédique du xviiie siècle, fait figure de lieu hautement symbolique
pour cette rencontre : alors que l'encyclopédie avait inventé une solution
pour résoudre le déphasage entre les humains de l'époque et la réalité
technique qu'ils s'étaient construite, en brisant à jamais le secret des corporations de métiers, il semble qu'un nouvel encyclopédisme soit possible,
voire même nécessaire, si l'on veut résorber l'écart entre la réalité technique
et la réalité culturelle actuelles, étrangères l'une à l'autre. Ce qui se briserait
là n'est plus le secret d'une corporation, mais quelque chose qui lui est
équivalent au xxie siècle : l'indéchiffrabilité essentielle des objets qui nous
entourent au quotidien.
Je terminerai par une citation de Gilbert Simondon, penseur des techniques auquel j'ai emprunté la quasi-totalité des idées exprimées dans cet
article, auteur que j'encourage le public à lire et relire. Gilbert Simondon
écrivait déjà, en 1960, quelque chose qui fait figure de programme pour la
recherche du xxie siècle à ce sujet :
« On affirme généralement que la production industrielle écrase l'homme
parce qu'elle produit des objets qui ne sont pas à sa mesure ; en fait, il serait
peut-être plus juste de dire que la production industrielle déroute l'homme
parce qu'elle le met en présence d'objets qui ne sont pas immédiatement
clairs pour lui ; ils sont tout près de lui en tant qu'objets d'usage, mais ils lui
demeurent étrangers parce qu'ils ne sont pas aisément déchiffrables, et que
l'action humaine ne sait plus trouver ses points d'insertion. À la fermeture
matérielle des soudures, des rivets et des cachets de garantie, s'ajoute une
fermeture plus essentielle et plus aliénante : l'objet n'est plus décodable,
plus compréhensible comme résultat d'une opération de construction. On
ne peut lire en lui l'opération de construction. Il est étranger comme une
langue étrangère.
On comprend, dans ces conditions, pourquoi un tel objet peut être traité
comme un esclave mécanique. On ne cherche pas à comprendre la langue
de l'esclave, mais seulement à obtenir de lui un service déterminé ».
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