Systèmes - Droit européen de l'internet - 1re - 54

Droit européen de l'internet

de permettre de cerner précisément des pans entiers de la vie privée
des personnes concernées.
La Cour relève une double ingérence, qu'elle qualifie de « particulièrement grave », aux articles 7 et 8 de la Charte, la première
résidant dans l'obligation faite aux fournisseurs de services de communications électroniques de conserver pendant une certaine durée
ces données, la seconde d'en prévoir l'accès pour les autorités nationales compétentes. Examinant si cette ingérence était justifiée, la
Cour, après avoir relevé que l'obligation de conservation répondait
bien à un motif d'intérêt général - la lutte contre le terrorisme -
juge l'ingérence disproportionnée au regard d'une série de considérations tenant à l'ampleur de la population concernée - « la quasitotalité de la population européenne » -, à celle des données visées,
aucune différenciation n'étant faite en fonction de l'objectif poursuivi,
au caractère trop général de l'obligation de conservation, sans lien
aucun avec une éventuelle menace pour la sécurité publique, à l'absence de contrôle préalable d'une autorité administrative indépendante ou d'un juge et, enfin et surtout, à la durée de conservation
prévue entre 6 et 24 mois, sans que la directive ne distingue entre
types de données ni ne fixe de critères objectifs pour ce faire. Au
regard de l'ensemble de ces considérations, la Cour a jugé que le
législateur de l'Union avait excédé les limites qu'impose le respect
du principe de proportionnalité au regard des articles 7 et 8 de la
Charte et a invalidé la directive (CJUE, 8 avr. 2014, Digital Rights
Ireland, C-293/12 et C-594/12).
Dans la ligne de cet arrêt, la Cour a jugé que l'article 15, paragraphe 1, de la directive 2002/58 s'oppose à une réglementation
nationale prévoyant, à des fins de lutte contre la criminalité, une
conservation généralisée et indifférenciée de l'ensemble des données relatives au trafic et à la localisation de tous les utilisateurs
inscrits et qui ne limite pas l'accès des autorités nationales aux seules fins de lutte contre la criminalité grave (CJUE, 21 déc. 2016, Tele2
Sverige, C-203/15 et C-698/15)1.
93. Proposition de règlement « vie privée et communication
électronique ». - La Commission a présenté le 10 janvier 2017 une
proposition de règlement « vie privée et communication électronique »
1. À noter que la Cour européenne des droits de l'homme est actuellement saisie d'une
requête dirigée contre certaines dispositions du Code de la sécurité intérieure issues de
la loi nº 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement qui élargit le champ d'application et les moyens d'interception des communications par voie électronique ainsi que les
accès administratifs aux données de connexion : CEDH, Association confraternelle de la
presse judiciaire c. France, req. nº 49526/15, aff. en cours.

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