Bibliothèque de droit privé - Tome 584 - La recherche d'un statut de l'oeuvre transformatrice - 337

LA RÉSOLUTION PRÉCAIRE DU CONFLIT PAR DES MÉCANISMES EXTERNES

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dominante de Microsoft les empêchait d'acquérir plus que de faibles parts de marché. Le standard est bien différent de celui de la décision Magill dans laquelle il
n'existait absolument pas de guide général hebdomadaire de programmes de télévision : le produit était véritablement nouveau161.
440. Les doutes sur l'incitation à l'innovation de la théorie. Cette évolution
portant sur l'exigence d'un produit nouveau tend à faire douter que la mise en
œuvre de la théorie des facilités essentielles ait toujours pour conséquence l'introduction d'une innovation et la création d'un nouveau marché. En effet, les décisions IMS Health et Microsoft démontrent que ce n'est pas tant l'absence totale
des concurrents sur un marché qui peut susciter la licence forcée, que l'absence
d'un degré suffisant de concurrence sur ledit marché, c'est-à-dire une « concurrence effective ». En conséquence, c'est le consommateur qui est véritablement au
centre du dispositif162. Mais cela conduit à un déplacement du curseur de l'équilibre entre la libre concurrence et le droit d'auteur : centré à l'origine sur l'importance de la nouveauté du produit, il est à présent dirigé vers la prise en compte des
bénéfices que le consommateur retire de l'existence d'une concurrence effective163,
soit de la présence de plus d'un opérateur sur le marché164. Certes, l'innovation ne
sert la concurrence que si elle bénéficie aux consommateurs165. Pourtant, les titulaires du droit et les concurrents sont-ils vraiment incités à développer leur création si le premier court le risque de se voir imposer des licences et si les seconds
peuvent aisément obtenir une licence judiciaire sur l'objet d'autrui166 ?
En sus de l'atténuation de l'exigence d'un nouveau produit, d'autres difficultés sont liées au caractère incertain des autres critères167. Il en est ainsi de la délimitation du marché principal et des marchés dérivés, qu'il n'est pas aisé de dissocier168, surtout suite à l'atténuation de l'exigence du produit nouveau. Bien plus, il
ressort à cet égard des décisions IMS Health et Microsoft qu'il suffit que ce mar161. En ce sens, v.  notamment F. Sardain, obs.  sur CJCE, 5e ch., 29  avr. 2004, IMS  Health :
D.  2004. 2366, spéc.  n° 31, p.  2370  « Dès lors, par glissements successifs, on peut légitimement se
demander si un produit divergeant seulement par quelques spécificités par rapport au produit initial,
mais lui demeurant totalement substituable, ne pourrait pas être considéré comme nouveau ? ».
L'auteur estime que cette lecture n'est pas convaincante, mais il semble bien que la décision Magill lui
ait donné tort.
162. Pt. 48, CJCE, 5e ch., 29 avr. 2004, IMS Health, préc. : « (...) l'intérêt relatif à la protection
de la libre concurrence (...) ne saurait l'emporter que dans le cas où le refus d'octroyer une licence fait
obstacle au développement du marché dérivé au préjudice des consommateurs ».
163. Pts. 652 et 664, TPICE, gde. ch., 17 sept. 2007, Microsoft, préc.
164. V.-L. Benabou, obs. sur TPICE, gde. ch., 17 sept. 2007, Microsoft, op. cit., spéc. p. 127.
165. J.-C. Roda, « L'innovation et le droit de la concurrence : bref aperçu et enjeux », in
P.-D. Cervetti (dir.) L'innovation à l'épreuve de la mondialisation, réflexions autour d'un droit de
l'innovation en devenir, PUAM, 2015, pp.  65-70, spéc.  p.  68 : « (...) toute innovation - au sens de
création nouvelle - n'est pas nécessairement une nouveauté jugée utile par le droit de la concurrence ».
166. Rappr. L. Richer, « Le droit à la paresse ? "Essential facilities", version française », D. 1999.
523. L'auteur s'interroge : « Si les candidats à l'entrée sur un marché peuvent contraindre les entreprises
en place à leur céder la jouissance de leurs moyens, pourquoi feraient-ils des efforts ? » (p.  523) ;
S. Dormont, Le conflit entre le droit d'auteur et le droit de la concurrence - Essai sur une conciliation entre
la logique d'exclusivité du droit d'auteur et les objectifs concurrentiels, op. cit., n° 525, p. 370.
167. En ce sens, v.  notamment F. Pollaud-Dulian, obs.  sur TPICE, gde. ch., 17  sept.  2007,
Microsoft, op. cit., spéc. p. 727 (très sceptique).
168. En ce sens, v. notamment V.-L. Benabou, obs. sur CJCE, 5e ch., 29 avr. 2004, IMS Health :
Prop.  intell.  2004, n° 12, pp.  821-826, spéc.  p.  825. Rappr.  C. Maréchal, Concurrence et propriété
intellectuelle, op. cit., n° 481, pp. 378-379 : l'auteur estime que la décision IMS Health a vidé cette
condition de sa substance.
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