REFLETS MAGAZINE - Revue d'information et de réflexion économique - n°92 - (Page 6)

tribune libre Michel Gaurier >E68 La ballade du gaz-à-bulle E t vole la jolie bulle ! Nous l’avons constamment sous les yeux. Elle est belle, multicolore, légère … Elle envahit nos économ iseurs d’écra ns, et les écrans publicitaires de la télévision en raffolent. Elle est aussi omniprésente dans les informations quotidiennes et dans les propos de nos économ istes patentés. Elle vole parce qu’elle est gonf lée au gaz-à-bulle. Que les écologistes se rassurent : ce gaz est indolore, sans saveur (un peu amer peut-être), et pas dangereux. Personne n’en est mort (jusqu’à présent). De quoi est donc fait ce gaz-à-bulle ? De liquidités virtuelles bien sur, autrement dit de cette matière première peu rare qu’on appelle la dette. Et ce gaz n’est jamais perdu. S’il en manque, on en fabrique. Et de plus en plus de gens savent en fabriquer : les opérateurs de marché, les banques, les Etats, les banques centrales, et même le FMI. Tout le monde sait en faire : l’important, c’est de ne pas en manquer. Il a toujours existé. Sans remonter trop loin dans le temps, on a détecté du gaz-à-bulle en 1998. Il était alors fabriqué par les pays asiatiques et la Russie. La jolie bulle a beaucoup gonflé. Elle a éclaté, et le gaz a été récupéré par les financeurs de la « nouvelle économie », celle de l’Internet. La nouvelle bulle a grossi, s’est à nouveau envolée … et a éclaté en haut de l’écran. Le gazà-bulle a été récupéré. Cette fois-ci par les promoteurs immobiliers. Il fallait des maisons, des villes nouvelles, des aérogares rutilantes, des palais des congrès, tout ce dont les gens rêvaient. On a donc mis le gaz dans des prêts sans contrepartie, dans les assurances qui garantissaient ces prêts … et la bulle s’est encore regonflée, s’est scindée en plusieurs bulles qui ont encore gonflé, se sont élevées … et ont éclaté. Les fabricants de prêts et ceux qui les septembre/octobre/novembre 2011 page 6 ont achetés ont perdu leur gaz-àbulle. Mais ce gaz a été récupéré par les Etats souverains, qui n’ont pas voulu que leurs fabricants de prêts soient malheureux. Et les Etats ont regonflé de nouvelles bulles, encore plus grosses et plus volatiles, qui menacent à nouveau d’éclater. Et, comme ils ont peu d’imagination, ils ont demandé à leurs banques de récupérer un peu de leur gazà-bulle … ce qu’elles ont fait. Mais elles ne peuvent pas tout prendre, les pauvres : elles sont fragiles. Alors qui ? On attend Zorro, et Zorro, bien sur, c’est le FMI. Il est preneur : il dit à la fois aux Etats « vous avez trop de gaz-à-bulle, je vous en reprends », et « vous n’avez pas assez de gaz-à-bulle pour relancer vos économies lancinantes, et je suis prêt à vous en redonner ». On n’est pas loin d’inventer le recyclage perpétuel du gaz-à-bulle. Sauf que là, les bulles sont énormes. Si elles explosent encore, la machine à recycler risque de se gripper. Il faudra donc bien trouver quelqu’un à qui refiler ce foutu gaz. Et ce quelqu’un existe, on l’avait oublié : c’est vous et moi. Il en a déjà pris un peu en perdant ses investissements. Il en prendra bien encore un peu en payant des impôts et en perdant du pouvoir d’achat. Peut-être même que, dans la souffrance, on résorbera une partie du trop plein de gaz. Est-ce la fin de la ballade du gaz-à-bulle ? C’est peu probable. On en a trop besoin pour rêver. Et les écrans des traders seraient si tristes sans ces belles bulles qui montent ! Alors attendons l’idée géniale des nouveaux utilisateurs de gazà-bulle. Elle arrive, je le sens. Ma banque m’en proposait d’ailleurs ce matin dans un courrier : investissez à 8% dans un produit « high yield », c'est-à-dire en voie de pourrissement (note inférieure à BBB).

Table des matières de la publication REFLETS MAGAZINE - Revue d'information et de réflexion économique - n°92

Couverture
Editorial
Sommaire
TRIBUNE LIBRE La ballade du gaz-à-bulle
TRAJECTOIRE Marielle Blanchier : profession mère de famille
CRÉATION D’ENTREPRISE Ô Château : le bon vin – pour tous
IDÉES Loi Copé-Zimmermann : « À quand le lady boom ? »
L’INVITÉ Xavier Delom de Mézerac, Directeur Financier du Groupe Auchan
INTERNET Enjeux et opportunités
LUXE Un secteur qui résiste à la crise
MOUVEMENTS
CAMPUS
ALUMNI
A LIRE
Ils ont participé à la rédaction de ce numéro

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