Arts Magazine – Feuilleter le magazine – Fleurus Presse - (Page 64)

PAGE 64 ¬ ARTS MAGAZINE ¬ MArs 2012 dossier « auJourd’hui, pour faire carrière, Le taLent ne suffit pLus » Marie Zawisza Interview Jean-Luc Chalumeau Chardin, Tintoret… même ces grands maîtres ont du jouer des coudes pour s’imposer. mais avec duchamp, tout change. et depuis, les artistes doivent être de vrais stratèges, nous explique cet historien et critique d’art. Les artistes classiques déployaient-ils les mêmes trésors d’ingéniosité que nos contemporains ? Mettaient-ils en place des stratégies, faisaient-ils jouer des réseaux ? Pour répondre à ces questions, nous sommes allés interroger le critique et historien de l’art JeanLuc Chalumeau, auteur de Comprendre l’art contemporain (éd. Chêne), mais aussi de nombreux ouvrages sur l’art classique et moderne (Vermeer, Cézanne, Courbet, Picasso…), et professeur de Lecture d’histoire de l’art et d’art contemporain à l’Institut supérieur des Carrières Artistiques (ICART). ARTS MAGAZINE • on a l’impression qu’un artiste doit faire mille choses pour émerger : il doit créer, mais aussi serrer des mains, monter des dossiers, mettre en place une véritable stratégie de communication… Cela a-t-il toujours été le cas ? Jean-luc chalumeau • Absolument pas ! Aujourd’hui, les artistes doivent produire des œuvres et faire dire que c’est bien. Avant, ils se concentraient avant tout sur leur travail. Leur parcours était simple. De la Renaissance jusqu’aux années 1950, les jeunes garçons, plus rarement les filles, entraient en apprentissage chez un artiste réputé. Très souvent, ils étaient eux-mêmes fils de peintre. Dans l’atelier de leur maître, avant de mettre la main à la pâte, ils le regardaient travailler tout en s’occupant de tâches matérielles, comme la préparation des couleurs ou le nettoyage des pinceaux. Les artistes étaient alors des observateurs, et pour réussir, il leur fallait seulement être bons. ils n’avaient donc rien de spécial à faire pour réussir leur carrière ? Salon annuel. Désormais, à 30 ans, Chardin peut montrer son travail et se constituer une clientèle. Grâce à ses pairs, il a été admis au nombre des grands peintres. Et c’est toujours ainsi que cela se passe à l’époque classique : le seul critère de réussite est la qualité du travail et les juges en sont les artistes eux-mêmes. Vous voulez dire que les peintres ne développaient aucune stratégie particulière pour réussir ? Non, rien d’autre que travailler sur leurs œuvres, jusqu’à obtenir la reconnaissance de leurs pairs. Prenons l’exemple de Jean Siméon Chardin. Au début du XVIIIe siècle, ce fils de menuisier, décide de devenir peintre. Il rentre alors dans l’atelier de Pierre-Jacques Cazes, qui fut lui-même l’élève de Charles Le Brun. Son maître l’envoie un jour assister un autre peintre, Noël Nicolas Coypel, qui a besoin de petites mains pour achever un tableau. Chardin est chargé de peindre un fusil. Et il le fait si bien que Coypel le prend aussitôt sous son aile. Grâce à son talent, le jeune artiste est reçu à l’Académie de Saint-Luc, réservée aux bons élèves, dont les qualités ne sont néanmoins pas tout à fait suffisantes pour prétendre entrer à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Un jour, à l’occasion de la Fête-Dieu, place Dauphine, où les peintres peuvent chaque année montrer leurs œuvres, il présente une nature morte : Raie, aujourd’hui au Louvre. Et là, cette toile attire à ce point l’attention des peintres de l’Académie royale que Chardin y est aussitôt admis. Louis XV lui octroie un atelier au Louvre et lui confie la responsabilité de l’accrochage du Si, bien sûr. Ainsi, au XVIe siècle, Le Tintoret doit participer à un concours pour décorer le plafond de la prestigieuse école Saint-Roch à Venise. Il s’introduit de nuit dans l’édifice et le lendemain, le jury éberlué découvre l’œuvre achevée ! De même, Titien soigne sa légende en laissant dire que l’empereur Charles Quint, en visite dans son atelier, s’est agenouillé pour ramasser son pinceau tombé à terre. Mais ce n’est pas essentiel. Gérard Fromanger, Portrait de Jean-Luc Chalumeau, collection particulière

Table des matières de la publication Arts Magazine – Feuilleter le magazine – Fleurus Presse

Couverture
Sommaire
ACTUALITÉ
Le « mort-vivant »
Visite d’atelier
Collusion
Carte Blanche
DOSSIER JEUNES ARTISTES
À l’école / Presque artistes, déjà combattants
Les premiers pas / Pour faire le grand sauf, objectif réseau
Vers la consécration / Le galeriste, monsieur coup de pouce
« Aujourd’hui, le talent ne suffit plus »
MAGAZINE
Picasso intime
David Hockney, l’oeil à facettes
Artemisia, l’affranchie
Grenoble, la pionnière
Tim Burton, complètement crayonné
Voyage dans la Vienne de Klimt
Le coin des enfants
AGENDA
Paris/Île-de-France
Nord
Ouest
Est
Sud-Est
Sud-Ouest
Relecture, par Jochen Gerner

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