L’école aujourd’hui - n°3 - Novembre 2009 - (Page 16)

Dossier Au PlAisir Du texte entretien Robin Renucci lire à haute voix, le plaisir d’une lecture partagée Pour Robin Renucci, le champ de l’école est celui de la transmission. Les enseignants qui lui ont le plus appris lisaient à haute voix. Le texte se présente alors comme une partition musicale qui donne à voir autrement que l’image. L’école aujourd’hui : Devient-on acteur par amour des textes ? Robin Renucci : Souvent on ne sait pas pour quelle raison on veut devenir acteur et avoir un regard singulier sur les choses. dans certaines sociétés, l’acteur, le théâtre et les lieux de représentation symbolique sont presque assimilés aux demi-dieux. Notre société, elle, engendre plutôt des produits dans un rapport consumériste. Mais, quand très jeune acteur on découvre que les textes sont un support extraordinaire de l’expression, l’auteur devient le vecteur pour aller vers le public. Pour moi, le texte est essentiel. Vous souvenez-vous de la relation que vous entreteniez avec les textes étant enfant ? R. R. : je viens d’un milieu modeste où le livre n’était pas vraiment présent. Mais il y avait ma tante amélie, qui aimait la poésie. elle me faisait lire des poèmes et m’en faisait même écrire. et du côté de ma famille corse, dans un cellier, il y avait une bibliothèque chargée de magnifiques livres reliés de cuir, absolument somptueux, comme on en trouve dans les bibliothèques de châtelains. ils avaient dû faire l’objet d’un troc et ils se trouvaient là. Ma mère savait des livres par cœur.l’école aujourd’hui n°3 elle a maintenant quatre-vingttreize ans, je l’ai enregistrée devant mes enfants, avec un caméscope. elle a débité “l’orpheline et les deux gendarmes”, un texte en alexandrins de charles Méret, je crois, sans rater un mot. un texte qu’elle avait appris quand elle avait 10 ans… du côté corse, encore, un oncle me faisait lire et enregistrer sur de minicassettes, à 13 ans, des poèmes qu’il ne pouvait plus lire car il était devenu aveugle. c’est de là que l’idée de la lecture à haute voix m’est venue. Vous avez lu des poèmes récemment à l’attention de jeunes enfants1. Vous lisez des textes en public ou vous en enregistrez. Pourquoi ? R. R.: lire à haute voix est venu chez moi quand mes enfants étaient petits, c’était un moment important. lorsqu’on lit à haute voix à ses enfants, on y apporte beaucoup de soin, et cela dans tous les milieux. Vous sentez alors que c’est bénéfique pour vous et pour eux. la parole des auteurs compte aussi beaucoup pour moi, car étymologiquement, ce mot [auteur, ndlr] comporte un préfixe indo-européen signifiant : ce qui nous augmente. la parole de l’auteur en effet nous grandit. Robin Renucci est acteur (Un village français, récemment diffusé à la télévision), auteur et réalisateur. Il reprend actuellement la lecture de Marcel Proust en tournée. Il est également président bénévole de l’Aria2, une association reconnue d’utilité publique qui a 12 ans d’existence, et qui accueille les enseignants en formation initiale et continue dans ses structures et hors de ses structures. Que retirez-vous plus particulièrement de ces lectures ? R. R. : je suis comme un instrumentiste. ce qui m’intéresse c’est d’être envahi par des mots qui font sens, évidemment dans leur champ sémantique, mais aussi dans le champ phonétique et dans le champ de la syntaxe. la phrase est mouvement. chaque auteur a sa façon de placer les adjectifs, les verbes, les adverbes, la ponctuation et cela est très singulier. À haute voix, j’en suis le premier auditeur. ce qui m’intéresse particulièrement, c’est que derrière le choix d’un mot, dans sa phonétique, sa métrique, un auteur nous dit beaucoup de choses. Prenez Molière faisant dire à alceste : “De vos façons d’agir, je suis mal satisfait.” en s’exprimant ainsi, il nomme en premier ce qui le dérange. Si alceste disait “Je suis mal satisfait de vos façons d’agir”, il s’exprimerait de façon raisonnable, et cela ne serait pas conforme à l’état irraisonné dans novembre 2009 © d. r.

Table des matières de la publication L’école aujourd’hui - n°3 - Novembre 2009

Couverture
Édito
Sommaire
ACTU
- En bref 3 questions à Sylvie Vassallo
- Le billet du médecin Pourquoi rêve-t-on ?
- Une année en IUFM Prendre sa classe en main
- L’école ailleurs La différence au quotidien
DOSSIER - Au plaisir du texte
- Introduction
- Entretien Robin Renucci
- Analyse Développer le plaisir des textes à l’école
- Reportage Le goût des mots
- Bloc-notes Le texte dans tous ses éclats
PRATIQUES PÉDAGOGIQUES - Les sentiments en débat
- Introduction 3 questions à Claudine Leleux
- Progressions cycles 1, 2 et 3
- Outils pour la classe
SÉLECTION
- Nouvelles technologies
- Pédagogie
- Jeunesse cycle 1
- Jeunesse cycles 2 et 3
- Coin thématique
- Choix des correspondants
LA RÉCRÉ
- Jeux
- Bulletin d'abonnement

L’école aujourd’hui - n°3 - Novembre 2009