ParaMag - n°305 - Octobre 2012 - 22

HOMMAGE

UN DERNIER VOL, À LA FERTÉ
à tes qui font du sur-place "Là-bas il y a des alouet iétant de votre retard. s'inqu vingt mètres de haut en avec lui des ambiances bas le vent du soir traîne Làstick de la journée particulières, le dernier feu d'artifice, vertical, vient juste d'éclater son enthe. les verres de diabolo-m et il y a de la buée sur ler, Tiens, rien que d'en par " ie d'y aller tout de suite. j'ai env 88 Guy Sauvage – 19
Devant ses amis et dans un grand ciel bleu, les cendres de Guy Sauvage se dispersent depuis l'hélicoptère Alouette. Photo Patrick Elbaz

Le dimanche 16 septembre, un groupe de soixante-dix personnes environ s'est rassemblé sur le terrain de la Ferté Gaucher. Membres de la famille, amis, pratiquants ou anciens parachutistes, ils étaient présents pour réaliser une des dernières volontés exprimées par Guy Sauvage : la dispersion de ses cendres sur ce terrain qui l'a tant passionné et qu'il a tant fréquenté. Le centre de parachutisme de la Ferté Gaucher fut un des hauts lieux du parachutisme français, jusqu'en 1999. Classé parmi les premiers centres de France durant de nombreuses années, il était le berceau du parachutisme parisien en Ile-de-France, grâce à sa proximité de la capitale. L'achat du premier Twin Otter civil français entièrement dédié au parachutisme lui donna une dimension européenne. La fermeture définitive du centre de parachutisme de la Ferté Gaucher passa par la limitation irrémédiable de la hauteur de largage à 1500 mètres, à cause de l'intensification du trafic aérien en région parisienne. Aujourd'hui, le terrain est occupé par une base de loisirs mécaniques (ULM, circuit automobile, circuit quad, aéromodélisme, etc.). La cérémonie pour Guy Sauvage fut conviviale et sans formalisme. Après s'être réunis autour d'un buffet et avoir pu apprécier une exposition représentant une partie de son œuvre (livres, magazines, articles de presse, photos et objets publicitaires sur le sujet du parachutisme), le groupe s'est rassemblé en bout de piste. Tandis que l'hélicoptère Alouette 2 piloté par Bruno Picot (responsable aéronautique de la base de loisirs) emmenait à son bord un jeune membre de la famille, accompagné de Gérard Grosso et de Philippe Archambault, le groupe s'est placé en un demi-cercle ouvert sur l'axe de piste. Il a été donné à chacun de lire un des derniers poèmes écris par Guy Sauvage et intitulé "Le saut", poème que nous publions ici. Certainement que l'artiste aurait préféré cela à une minute de silence ou à un discours ! Puis Bruno Picot a aligné avec grâce l'Alouette en vol sur-place, face au groupe. Chacun a alors levé la tête, se laissant aller à ses pensées... Pour ma part, je me suis dit : "Guy, tu aimais tellement faire référence au vol des alouettes, dans certains de tes textes, te voilà bien servi..." Archi a parfaitement largué ton nuage. Dans un ciel d'un bleu immense, il fut porté par un vent léger et une partie de ce qui reste de toi a flotté durant quelques secondes, encore, dans le ciel fertois. Comme il t'a souri ce ciel aujourd'hui, même si sur les visages, dont certains comme ressurgis du passé, une larme perlait... Cette histoire est sans fin, maintenant il nous faut puiser dans notre mémoire, dans tes mots, ceux de la dernière strophe de ton poème, par exemple. Bruno Passe

Le saut
Surgissante avalanche souvent abreuvée De souvenirs volés à la piste du Temps C’est en ta compagnie fidèlement aimée Que j’ouvre la portière et laisse entrer le vent Que je vis avec toi de nouveau l’envolée Et l’inouï plongeon dans l’éther impalpable Qui étreint l’âme avant que de porter le corps Quand on se plaît à croire être oiseau véritable Pendant une minute et en technicolor. Quelquefois par hasard quand on tournait la tête Vers l’avion en piqué noyé dans le vermeil On désirait soudain que le monde s’arrête Parce que sur son flanc blanc éclatait le soleil ! Dans l’azur opalin l’essaim d’hommes s’ébat Ils sont un peu faucons et aériens lézards Tant leurs gestes de vol en un serein combat Fait se mouvoir leur corps asservi au regard. Ils se sont arrachés à la terre commune Pour marquer leur destin de moments élevés Demandez-leur plutôt de décrocher la Lune Que de se contenter d’un rêve inachevé ! Voilà le froissement de la voile légère Qui hâte le réveil et redonne raison Sous un nuage d’or à la frange éphémère, S’étend le vert damier jusques à l’horizon. Salut l’homme au tracteur qui lève son regard, Salut les grands ormeaux qui ponctuent le chemin, En bas l’enfant rieur agite son foulard Près des fleurs de pommier jetées au vent malin. Salut à vous les vignes et au prochain vin doux, Salut à toi aussi l’alouette bavarde Marchons encore un peu le long des pampres roux J’ai tout le temps qu’il faut, aujourd’hui je musarde. Salut mes compagnons, compagnes de voyage, Ce moment avec vous fut un enchantement. Il se peut que ce soir nous ayons un orage, Sauterons-nous demain ? Oh, très probablement ! Guy Sauvage – octobre 2010

22
Octobre12:305 paramag.fr

http://www.paramag.fr

ParaMag - n°305 - Octobre 2012

Table des matières de la publication ParaMag - n°305 - Octobre 2012