ParaMag - n°316 - Septembre 2013 - 12

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LA CONCURRENCE ESPAGNOLE

Le centre de parachutisme espagnol Skydive Empuria a un
nouveau propriétaire qui affiche de grandes ambitions : « Devenir
l’une des meilleures et plus grandes DZ du monde » (PM n°313).
Un peu de sémantique pour entamer la réflexion : doit-on écrire
que Skydive Empuriabrava a été racheté par Skydive Dubaï ou que
Skydive Dubaï a racheté Skydive Empuriabrava ? Ce n’est pas tout
à fait identique.
Dans le très intéressant entretien de Patrick Passe avec Rolf
Kuratle, dit Kuri, publié en juin dernier (PM n°313), était employée
la première des deux propositions : Empuria racheté par Dubaï,
ainsi illustrée : « La grande priorité est désormais la qualité du
parachutisme sportif ».
C’est Empuria, cité en premier, qui était mis en avant, l’arrivée d’un
nouveau propriétaire n’étant que le facteur déclenchant la mise en
place d’une nouvelle et séduisante organisation.
L’emploi de la proposition inverse, Dubaï rachète Empuria, mettrait
en avant l’acquéreur cité en premier, plutôt que l’objet de
l’acquisition. Et ça change tout car le nom de Dubaï est associé
dans l’imaginaire à une pluie de dollars synonymes de sauts pas
chers. Qu’en est-il ?
Surprise ! Le tarif du saut, hors achats anticipés et/ou groupés,
bondit à 29,80 euros TTC.
Il est expliqué que le taux de TVA en Espagne a augmenté de 8% à
21%, les anciens propriétaires perdant de l’argent pour ne pas
l’avoir répercuté dans le prix du saut. Et Kuri de préciser : « Il ne
faut pas associer cette augmentation au fait que le centre a été
racheté par Skydive Dubaï ».
Que ceux qui espéraient que ce rachat permettrait une baisse du
prix du saut abandonnent leurs rêves, et c’est très bien ainsi. Cela
prouve que les acquéreurs sont des gestionnaires avisés, même
s’ils sont riches.
Dans une première approche du sujet, il semblait que les structures
espagnoles bénéficiaient donc auparavant d’un important avantage
concurrentiel avec un taux de TVA sur le saut de 8% par rapport
aux structures françaises imposées au taux de 19,6% (du moins
c’est ce que pensent certains), et que le nouveau taux espagnol de
21% allait rendre la concurrence fiscalement loyale.
Il apparaît cependant que nombre de structures françaises
appliquaient dans le même temps un taux réduit de 7%, et même
5,5% jusqu’en 2012, sur le saut rebaptisé place-avion (PM n°314).
Ainsi, contrairement à ce qu’on pouvait penser spontanément en
croyant en la pratique d’un taux normal de 19,6% en France,
Skydive Empuria ne bénéficiait pas d’un avantage concurrentiel
d’origine fiscale.

Septembre13:316
paramag.fr

12

Par
Yves-Marie
Guillaud

En effet, Kuri a déclaré : « Pour ce qui est des moniteurs, pilotes
tandem, videomen, et plieurs, nous souhaitons à terme que tout le
monde devienne travailleur indépendant, et non plus salarié ».
A l’heure où en France la pression de l’URSSAF et les procédures
devant les Conseils de Prud’hommes risquent bien de transformer
nombre de travailleurs indépendants en salariés pour respecter le
Code du Travail (PM 312 et 313), Skydive Empuria a la liberté de
choisir le chemin inverse.
Cette législation espagnole du droit du travail semble moins
contraignante que la législation française. Cela permet une
souplesse dans la gestion des ressources humaines au sein des
entreprises de parachutisme.
Par exemple, le salarié est payé pendant une période de mauvaise
météo, pas le travailleur indépendant. Par exemple, le gestionnaire
peut augmenter le nombre de prestataires pendant une période de
forte activité puis les diminuer pendant une période de faible
activité, alors que le nombre de salariés est constant de sorte qu’ils
peuvent être soit débordés soit sous-employés.
Les travailleurs indépendants constituent donc une confortable
variable d’ajustement permettant de rendre le service le mieux
adapté à l’activité, tant en encadrement qu’en dépenses de
rémunération.
Le coût de fonctionnement de la structure peut ainsi varier selon les
besoins de l’activité réelle, tandis que l’organisation basée sur des
salariés a un coût fixe globalement plus onéreux puisque le nombre
de salarié est calibré en permanence selon les besoins de l’activité
maximum.
Dans une activité soumise aux aléas météorologiques, aux humeurs
et aux modes des pratiquants, et à caractère plutôt saisonnier, c’est
un indéniable avantage dont profitera Skydive Empuria. Le nouveau
propriétaire ne s’y est pas trompé : la nouvelle organisation
privilégiera les travailleurs indépendants au détriment des salariés.
En France, il n’y faut point songer. La rigidité et la complexité du
droit du travail ne le permettent pas, ceci étant dit sans jugement
de valeur, chacun pouvant penser selon ses convictions que cette
rigidité est la condition de la protection des travailleurs ou une
entrave pour les entreprises.
Skydive Empuria pourrait ainsi disposer d’un atout par rapport aux
structures françaises. Ceci est exprimé au conditionnel et au futur
car, comme pour la TVA, il semble que nombre de structures
françaises pratiquent une politique sociale légalement discutable
en utilisant force travailleurs indépendants nonobstant le droit
social, ce que l’action de l’URSSAF pourrait faire évoluer.
Avec un coût de main-d’œuvre diminué, la structure espagnole peut
espérer augmenter ses marges, sa capacité d'investissement étant
en outre décuplée par la puissance financière de son riche propriétaire.

Il semble qu’un mouvement s’amorce en France pour passer au
taux normal de 19,6% (20% en 2014). C’est ainsi que des
structures ont d’ores et déjà annoncé une augmentation du prix du
saut jusqu’à 30 euros TTC (25,08 euros HT). Skydive Empuria ne
devrait donc pas subir un désavantage concurrentiel d’origine
fiscale à l’avenir.

Avec La-Ferté-Gaucher, puis Gap avant son éclatement en moult
structures, la France disposait jadis des plus grandes DZ d’Europe,
l’apothéose étant l’organisation à Gap des Championnats du Monde
toutes disciplines en 2003. Les querelles et les divisions, auxquelles
l’État n’est pas étranger en raison de la tutelle concurrente de deux
ministères, et les excès de réglementation y ont mis fin.

En revanche, Skydive Empuria pourrait bénéficier d’un avantage
concurrentiel en matière sociale.

Le Twin-Otter de Gap a été vendu fin 2012 à Skydive Dubaï.
Tout un symbole… ! ■
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