ParaMag - n°335 - Avril 2015 - 54

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LA PERTE DE CONNAISSANCE
Automne 2012, un samedi à l'heure du déjeuner, la sonnerie de
l'École de parachutisme de Lyon Corbas retentit sur le téléphone
mobile de son président : un parachutiste débutant a atterri sur
l'autoroute longeant l'est de la DZ et a été percuté par une voiture.
Son pronostic vital est engagé.
Le cauchemar de tout président, gérant, directeur technique,
moniteur, secrétaire d'une école de parachutisme : un accident
grave ou mortel. Pire : un accident subi par un élève, débutant qui
plus est. Vite aller là-bas. Vite, mais gare à l'accident en conduisant
trop vite et sous stress.
Sur place tout le monde est tétanisé mais chacun veut agir. Les
journalistes d'une chaîne de télévision d'infos en continu sont
annoncés et un service d'ordre de gros bras de la DZ s'improvise
pour leur interdire physiquement l'accès au terrain, voire les bouter
dehors manu militari.

Par Yves-Marie Guillaud

La vidéo-chute montre un élève détendu qui effectue parfaitement
les exercices prévus, à tel point que ce saut pourrait servir
de modèle pédagogique. Il ouvre son parachute lui-même
dans les meilleures conditions. Il enlève les freins, répond aux
premières sollicitations de la radio, réalise quelques virages lents
et part face est.
À partir de là, il ne répondra plus jamais aux ordres et injonctions,
notamment de se diriger face nord, alors que la radio fonctionnait
puisqu'il avait réagi aux premières sollicitations. A posteriori, il s'est
souvenu de la chute et de l'ouverture du parachute, puis de l'arrivée
sur l'autoroute et de l'impact. Entre les deux, rien.
Il a été démontré que l'instruction reçue et sa compréhension par
l'élève, la préparation et les conditions du saut, le matériel employé,
bref tous les paramètres étaient excellents. L'expertise a conclu à
l'absence de responsabilité de l'école. Fin de l'histoire ? Oui :
l'accident ne résulte pas d'une défaillance de l'école. Non : sa
cause reste indéterminée.

Revient alors à l'esprit une intervention du responsable de la cellule
de crise d'un constructeur aéronautique lors du congrès technique
de la FFP de janvier 2012, ayant expliqué comment gérer une crise
majeure, en interne comme en externe, notamment avec les médias.

La mission fixée à l'expert ne concernait que la technique
parachutiste : pédagogie, encadrement, matériels, conditions du
saut... Elle ne visait qu'à chercher s'il y a eu une défaillance de
l'encadrement parachutiste. Elle ne consistait pas à chercher une
éventuelle autre cause.

Réunion des principaux responsables pour faire le point, définir les
tâches, répartir les missions, et désigner l'interlocuteur unique des
autorités et des médias. Chacun sait alors ce qu'il doit faire et qui
fait quoi. Le conseil donné lors du congrès de désigner un
gestionnaire unique de la communication s'est avéré très pertinent.

Dans le cas présent, l'élève ne se souvient de rien entre
l'enlèvement des freins et l'arrivée sur l'autoroute, période pendant
laquelle il était inactif et sourd aux ordres radio. Ce trou de mémoire
provient-il du traumatisme crânien, d'une perte de connaissance en
vol ou d'une autre cause ?

Soit dit en passant, ces événements ont apporté la preuve
qu'assister au congrès technique de la FFP est une nécessité pour
les responsables d'écoles, malgré les défauts de la dernière édition
à Strasbourg. C'est bien l'utilité de ce rassemblement qui doit
guider les réformes afin d'optimiser la formation et l'information.

Vu l'inaction et la surdité, la perte de connaissance est probable.
Sollicité pour avis, le Docteur Guiavarch s'est enquis de l'heure du
saut : midi trente. Réponse du médecin : vraisemblable perte de
connaissance de fin de demi-journée due à un défaut
d'alimentation.

Les circonstances et les conséquences de l'accident sont vite
définies. Le parachutiste est arrivé perpendiculairement aux voies
de circulation de l'autoroute, a rebondi sur le toit d'un camion et
percuté une voiture, circulant en sens inverse, dont le conducteur
n'a pas perdu le contrôle.

On n'en aura jamais la certitude, faute d'enquête sur ce sujet
auprès de l'élève accidenté, mais l'ensemble des circonstances de
l'accident constituent un faisceau d'indices concordants permettant
sans guère de doute d'arriver à cette conclusion.

Bilan médical succins : traumatisme crânien avec hémorragie,
enfoncement du thorax, un bras et une épaule en morceaux. À ce
jour, ce jeune ingénieur a bien récupéré et n'a aucune séquelle
intellectuelle. Un miracle !

Très curieusement cette question n'est guère traitée dans les
manuels. Seule référence, trouvée dans le guide FFP «Notion de
base - premiers sauts» : à la question «Il est midi, je n'ai rien
mangé depuis la veille» il faut répondre «Je ne peux pas faire mon
1er saut». Et si j'ai mangé le matin avant 8h ? Et si je fais mon 6ème,
mon 20ème ou mon 50ème saut ? Et que faut-il avoir mangé ?

Les jours suivants : déclaration d'accident grave à la FFP et
auditions par la police. Puis une enquête technique parachutiste
est menée, en présence des représentants de l'État, par un expert
parachutiste nommé par les autorités de police judiciaire.

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L'absence de prise en compte de cette donnée a deux
conséquences : un risque évident d'accident grave ou mortel et un
risque de responsabilité de l'encadrement.

Attention : cet expert n'est pas votre ami dans l'exercice de sa
fonction, quelle que soient les relations personnelles que vous
ayez avec lui. Ne pas lui faire de confidences ni espérer qu'il couvre
une erreur. Il réalise sa mission en indépendance et impartialité,
et c'est normal.

C'est le printemps, les affiches ont fleuri récemment : affiche
inapplicable dans l'avion sur l'obligation de se vérifier (DT 41),
affiche de REX (retour d'expérience) de peu d'intérêt pour le
pratiquant, affiches aéronautiques réussies et utiles. Une affiche
sur la nécessité de s'alimenter correctement manque cruellement.

Les faits sont clairement établis. Bonne météo, vent faible,
température modérée, un seul débutant dans l'avion, l'élève
effectue son 1er saut PAC avec deux des meilleurs moniteurs. Au
sol, le directeur technique assure le guidage avec la radio testée
avant l'embarquement.

Au CERPS de Gap, où officie le Docteur Guiavarch, des affiches sur
ce sujet ont été apposées. Cette initiative locale mérite d'être
étendue à toutes les écoles. Si la FFP n'en prend pas l'initiative, il
faut que les écoles y procèdent elles-mêmes, à l'instar du CERPS
de Gap. Pour que le cauchemar ne se renouvelle pas. ■
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