Repères - N°48 / Février 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - 18

SANTÉ

À la suite d'un accident nucléaire,
des personnes peuvent avoir ingéré
ou inhalé des radioéléments.
L'anthroporadiométrie mesure
leur contamination interne.

L'opératrice de crise IRSN rassure et recueille les informations
administratives d'une personne lors du contrôle de sa contamination
interne avec des radionucléides émetteurs X et gamma.

Protection des populations

Quelles avancées en dix ans ?
Prise préventive d'iode, suivi sanitaire... Depuis 2011, les mesures de radioprotection en cas
d'accident nucléaire évoluent. En outre, une recommandation majeure pour la surveillance de la santé
est de tenir des registres nationaux des cancers pour toutes les catégories de la population.

a prise préventive d'iode stable, sous
forme d'iodure de potassium (KI),
est une des stratégies de protection
de la population en phase d'urgence, en
cas de menace ou d'accident nucléaire avec
rejets. En saturant la thyroïde, elle empêche
la glande de capter ou de fixer l'iode radioactif et limite la survenue de ce cancer.
Depuis 1997, son utilisation en France est
définie : dès l'alerte, un adulte doit absorber
deux comprimés dosés à 65 mg. La prise
peut être répétée une fois si l'exposition
dépasse 24 heures. La posologie pour les
enfants est adaptée en fonction de leur âge.
L'expérience de Fukushima a montré l'insuffisance de cette mesure pour des personnes
en attente d'évacuation ou ne pouvant
être évacuées en cas de rejets prolongés ou
répétés. En 2014, l'Institut initie le projet
Priodac1, financé par le programme d'investissements d'avenir. « Il fallait trouver une
posologie de KI permettant de répéter des
prises, et vérifier son efficacité et son innocuité », expose Marc Benderitter. Spécialiste
en radiopathologie, il pilote ce vaste projet
qui inclut des études précliniques de pharmacocinétique, d'efficacité thérapeutique et
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de toxicologie. Les ratons modélisent les
nouveaux-nés, les rates gestantes, les femmes
enceintes, enfin les rats jeunes, adultes ou
âgés couvrent le reste de la population. Des
études précliniques de toxicologie réglementaire complètent le programme. Priodac vise
le changement de posologie du KI pour une
prise répétée sur l'ensemble de la population
et la modification de l'autorisation de mise
sur le marché (AMM) à l'horizon 2022.

Le dépistage en question

Comment évaluer le risque de cancer de
la thyroïde en cas de rejets ? Les Japonais
ont opté pour le dépistage systématique.
« L' Organisation mondiale de la santé
(OMS) déconseille désormais ce type de
suivi 2 », rapporte Dominique Laurier,
expert des effets biologiques des rayonnements. Cette recommandation fait suite à
un long retour d'expérience.
Après l'accident de Tchernobyl, des études
révèlent une augmentation des cancers de
la thyroïde, notamment chez les jeunes
gens exposés aux rejets. En 2011, le Japon
veut rassurer sa population. Dépourvu
d'estimations précises de l'ampleur de

l'accident, il lance dès l'été une vaste
campagne de dépistage par échographie,
une technique très sensible. Trois cent
mille filles et garçons sont contrôlés. La
cinquième campagne de suivi est en cours.
Bilan ? Pour tout nodule thyroïdien révélé,
une biopsie est effectuée. En cas de malignité, la glande est retirée, entière ou en
partie. En dix ans, 200 actes chirurgicaux
sont réalisés. Ce record mondial est-il
dû à l'accident ? Ou à cette stratégie rare
- d'opérer avant même l'apparition des
symptômes -, de plus en plus critiquée ?
« Ce dépistage donne l'impression qu'il
y a plus de cas et qu'ils seraient dus à la
radioactivité. En fait, l'occurrence du cancer
est stable. La plupart de ces nodules ne sont
pas radio-induits », explique l'expert.
Ce choix volontariste révèle peu à peu ses
défauts. Le dépistage entraîne un surdiagnostic, génère de l'inquiétude, provoque
plus d'ablations et expose inutilement à un
traitement hormonal. In fine, il n'apporte pas
de bénéfice clinique. Les experts aboutissent
à des préconisations nouvelles. « Attendre et
surveiller le nodule tumoral sans l'opérer »
fait aujourd'hui l'objet d'un consensus. Le

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