Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - 14

DOSSIER
Dans la Manche, à La Hague, autour de
l'usine de traitement et recyclage de combustibles usés, les chercheurs étudient d'autres
bio-indicateurs. Ils renseignent sur l'impact
environnemental des installations. « Il s'agit
d'espèces peu mobiles. Elles sont présentes
toute l'année, sur toute la zone d'intérêt. Elles
concentrent ainsi beaucoup la radioactivité »,
décrit le radioécologiste Bruno Fievet.

Algues et mollusques

Les bio-indicateurs retenus dans le golfe
normand-breton sont l'algue Fucus serratus
- facile à récolter à marée basse - et divers
mollusques : huîtres, coquilles Saint-Jacques,
moules et patelles. «  Les radionucléides
rejetés ne se retrouvent pas instantanément
dans ces organismes. Un équilibre s'établit
avec l'eau et la cinétique dépend de l'espèce. »
Les algues concentrent l'iode 129 jusqu'à
100  000 fois. Plus elles sont proches de
l'émissaire de rejets, plus ce taux est élevé.
Le radionucléide se diluant dans la mer,
cette concentration baisse ensuite rapidement à mesure que l'on s'éloigne du site.
Des mesures à Concarneau et à Roscoff
(Finistère) - hors influence du site de La
Hague - fournissent le « bruit de fond ». Ce
niveau de base de radioactivité aide à déterminer la radioactivité due aux rejets.
L'usine de La Hague fait l'objet d'une surveillance continue par l'exploitant et régulière
par les experts de l'IRSN, depuis sa mise
en service en 1966. Les effluents liquides
radioactifs issus du traitement-recyclage
des combustibles usés sont rejetés en mer

FOCUS
Rejets marins de tritium

Quelle émanation vers l'atmosphère ?

Q

uelle proportion du tritium1 rejeté
en mer par l'usine de retraitement
de La Hague se retrouve dans l'atmosphère ?
Les scientifiques explorent ce phénomène le long
de la zone côtière proche. Si ses effets sur l'homme
sont négligeables, cette modélisation pourrait
s'avérer utile pour d'autres pollutions marines.
En 2019, Olivier Connan, chercheur
en radioécologie, réalise à plusieurs reprises
des prélèvements d'eau de mer et de vapeur d'eau
au sémaphore de Goury. Il est à 10 kilomètres
de l'émissaire de rejets liquides en mer2.
Entre 8 et 20 heures, il relève des variations
de teneur en tritium, de 2 à 15 Bq/L. Ces activités
vont bien au-delà du 1 Bq/L habituellement
mesuré dans l'atmosphère, en équilibre avec
les concentrations marines moyennes.
« Une seule explication était plausible : les activités
atmosphériques de tritium étaient corrélées au

tritium rejeté dans l'eau de mer, puis évaporé »,
rapporte le scientifique.
Ce résultat conforte une hypothèse remontant
à 2012. « À l'époque, nous avions placé un préleveur
automatique de vapeur d'eau de l'air en bordure
de mer pendant quinze jours. De fortes variations
d'activité de tritium dans l'air avaient déjà été
observées », se rappelle Pascal Bailly du Bois,
radioécologiste.
En couplant des modèles de diffusion du tritium
dans l'eau de mer (Mars 2D) et d'évaporation,
Olivier Connan espère préciser le flux s'échappant
vers l'atmosphère.

après contrôle, dans le cadre des autorisations. «  Dans le compartiment biologique,
la plupart des radionucléides sont proches ou
inférieurs aux limites de détection, à l'exception de trois qui constituent la majorité des
rejets d'Orano La Hague  : le carbone 14, le
tritium et l'iode 129 », indique Bruno Fievet.

Mené de 2014 à 2017, le projet Indigo-Sedi4
évalue la rémanence de ceux rejetés par le
site de La Hague depuis 1966. Il quantifie le
césium 137, le cobalt 60, l'américium 241,
le curium 255 et les plutoniums 238, 239
et 240 dans les premiers centimètres des
sédiments du golfe normand-breton.
En 2016, dix scientifiques récupèrent des
sédiments dans une zone de 12 000 km2.
C'est leur quatrième campagne océanographique après les projets Traces 2014 et
2015 et Prest 2015. Les échantillons sont
issus de l'interface eau-sédiments (sur 10 cm).
Deux carottes de 50  cm, issues des rares
zones vaseuses de cette zone, renseignent
sur la répartition des radionucléides plus
en profondeur.
« Les radionucléides se lient aux particules
fines, en général inférieures à 63 µm, détaille
le radioécologiste Philippe Laguionie. Leur
affinité dépend de la granulométrie, de la
nature des sédiments et du type de radionucléide. » Une trentaine de configurations
mêlant galets, vase, sable et particules fines
est répertoriée.
Selon une étude de l'Institut co-financée par
Orano, 0,04 % du césium 137 rejeté en mer
par l'usine de La Hague est encore dans les
sédiments du golfe normand-breton, contre
6 % du cobalt 60 et 3 % en moyenne pour les
autres radionucléides. « Ce travail conforte
le modèle de dispersion des rejets dont nous
disposons, souligne Patrick Devin, ingénieur
à la direction sûreté environnement protection chez Orano recyclage. Il complète notre

L'apport des sédiments

Une fois en mer, les radionucléides s'associent aussi partiellement à des particules.
Ils se retrouvent ainsi dans les sédiments. Y
persistent-ils ? Combien de temps ?

INTERNATIONAL
Convention Ospar
© Chromatiques/Médiathèque IRSN

Baisse des rejets en Atlantique du Nord-Est
I

II
V

III
IV

Les cinq régions Ospar.

D

epuis 1995, les rejets radioactifs dans
l'Atlantique du Nord-Est des émetteurs
bêta ont baissé d'un facteur 12 (à l'exception
du tritium) et ceux des émetteurs alpha
d'un facteur 2,5. « La diminution la plus
significative date des années 1980 et 1990 »,
précise Bruno Fiévet, radioécologiste.

Page 14 - Repères N° 49 - avril 2021

Ces résultats sont mis en avant par la Commission
Ospar pour la protection du milieu marin
de l'Atlantique du Nord-Est (« Convention
Ospar »). Son objectif stratégique est de prévenir
la pollution de la zone maritime Ospar.
Depuis 1995, l'IRSN œuvre, aux côtés
des pouvoirs publics, dans les travaux de cette
commission incluant quinze pays européens.
« L'Autorité de sûreté nucléaire [ASN] fournit
le détail des quantités d'éléments radioactifs
provenant des installations françaises. L'IRSN
transmet des résultats de mesure de concentration
dans l'environnement marin. Ils sont issus
des bio-indicateurs - algues et mollusques -
prélevés le long des côtes en Atlantique, Manche
et mer du Nord », décrit Bruno Fiévet.
La source principale des rejets dans cette zone
est le retraitement des combustibles nucléaires usés.

1. Le fonctionnement normal des réacteurs nucléaires

et le traitement des éléments combustibles émettent
du tritium. En 2017, La Hague en rejetait 1 900 TBq
sous forme liquide et 72 TBq sous forme gazeuse.

2. Projet Spectra (Spéciation du tritium dans
l'atmosphère).



Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

Table des matières de la publication Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

Couverture
Kiosque
Sommaire & Édito
TEMPS FORTS
Dénoyage des combustibles usés : Aspic explore l’efficacité de l’aspersion
Stockage des déchets : Étudier « les portes » de Cigéo
FAITS & PERSPECTIVES - Exposition des travailleurs aux rayonnements : La dose individuelle augmente de 7 %
ZOOM - Rompu de fatigue
DOSSIER - Radioécologie marine : La surveillance s’améliore
EN PRATIQUE - Effets des irradiations : Évaluer la résistance des matériaux
INTÉRÊT PUBLIC - Les sciences sont à la fête
REPORTAGE - Ingénieure sûreté : Un avis indépendant
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - Couverture
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - Kiosque
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - Sommaire & Édito
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - Dénoyage des combustibles usés : Aspic explore l’efficacité de l’aspersion
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - Stockage des déchets : Étudier « les portes » de Cigéo
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - FAITS & PERSPECTIVES - Exposition des travailleurs aux rayonnements : La dose individuelle augmente de 7 %
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - 7
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - 8
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - ZOOM - Rompu de fatigue
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - DOSSIER - Radioécologie marine : La surveillance s’améliore
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - 11
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - 12
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - 13
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - 14
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - 15
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - 16
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - EN PRATIQUE - Effets des irradiations : Évaluer la résistance des matériaux
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - 18
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - 19
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - INTÉRÊT PUBLIC - Les sciences sont à la fête
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - 21
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - REPORTAGE - Ingénieure sûreté : Un avis indépendant
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - 23
Repères - N°49 / Avril 2021 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - 24
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