Repères - N°53 / Avril 2022 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - 22

REPORTAGE
Cocagne
É
clairée par un néon, Pauline Lacote
s'affaire autour d'une structure métallique
de deux mètres de haut, truffée
d'appareils qui mesurent les déformations
de crayons de combustible. La technicienne
du Laboratoire d'expérimentation
en mécanique et matériaux (LE2M) achève
d'installer le dispositif des essais Cocagne1,
à Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône.
Sa finalité ? Reproduire les contraintes qui
s'exerceraient sur la gaine en alliage de zirconium
du crayon de combustible - première
barrière de confinement - après une défaillance
du système de refroidissement d'un
réacteur à eau sous pression.
« Les tests de résistance sont faits sur des tronçons
de crayons de 60 cm de long. Leur pression
interne peut être portée jusqu'à 100 bars
et la température atteindre 1 000 °C », précise
Cristina Dominguez, chercheuse en matériaux
au LE2M.
Des essais gonflés à bloc
Ces essais thermodynamiques débutent en
2017. Ils étudient la déformation des gaines
dans diverses conditions de pression et de
température, représentatives d'un accident
de perte de réfrigérant primaire (APRP)2.
Une quinzaine de personnes contribue à
leur mise en place. La modélisation des
essais en mobilise six en plus.
Les mises à l'épreuve de Cocagne visent à
constituer une base de données nécessaires
WEBMAGAZINE
DIAPORAMA
Elfe : mieux
dimensionner
les températures
des essais
www.irsn.fr/R53
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Crayons de combustible sous pression
La pression atteint 100 bars et la température 1 000 °C. Les conditions sont extrêmes pour
les crayons de combustible étudiés par les essais Cocagne, à Cadarache dans les Bouches-du-Rhône.
But de ces expérimentations ? Mieux cerner leur comportement en cas d'accident.
pour valider et développer des codes de
calcul du logiciel de modélisation Draccar3
de l'IRSN. Les experts l'utilisent pour analyser
les dossiers de sûreté des exploitants, car
il décrit le comportement du combustible
nucléaire lors d'un APRP, depuis la déformation
des crayons jusqu'aux échanges thermiques
pendant le renoyage du cœur4.
Une obstruction limitée
Après un tel accident, les gaines gonflent,
car la pression au sein des crayons reste
élevée tandis qu'elle chute à l'extérieur. La
forme en ballon qui en résulte obstrue localement
les interstices au sein des assemblages
et compromet
l'efficacité du renoyage.
Cocagne simule les contacts avec les crayons
voisins déformés. Une première. « Cela aide
à mieux évaluer l'impact de ces contacts sur la
longueur, la forme finale du ballon et le taux
de bouchage induit », explique la chercheuse.
L'analyse des premiers essais montre que le
taux de bouchage n'excède pas en moyenne
90 %, la valeur maximale fixée par les études
de sûreté. « La forme en ballon de la gaine
entrave l'écoulement de l'eau, mais cette gêne
est moins importante que celle que nous attendions,
complète Cristina Dominguez.
« Les données générées par Cocagne confirment
les choix de géométrie des crayons
utilisés dans un autre volet du projet, qui
examine la capacité de refroidissement d'un
assemblage au cours du renoyage5 », souligne
Georges Repetto, spécialiste en thermohydraulique,
au Service de l'ingénierie et des
projets de recherche, à Cadarache.
Les conclusions renforceront Draccar, le
rendant apte à étudier un éventail encore
plus large de séquences accidentelles. n
1. L'essai Cocagne (mené sur la plateforme
Maestro) étudie la réponse des matériaux aux
environnements agressifs - température, oxydation,
etc. - en situations normale et accidentelle.
Il relève du programme Perfroi (Étude de la perte
de refroidissement) piloté par l'IRSN.
www.irsn.fr/perfroi
2. Accident résultant d'une brèche au niveau du circuit
primaire du réacteur.
3. Logiciel Draccar www.irsn.fr/draccar
4. Le renoyage fait suite au démarrage du système
d'injection de sécurité qui permet d'injecter de l'eau
dans la cuve et de refroidir le cœur.
5. Tests menés par la société canadienne Stern
Laboratories pour le compte de l'IRSN.

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