Repères - N°56 / Janvier 2023 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - 14

DOSSIER
Une amélioration permanente
Des données recueillies
en temps réel, des stations
de collecte plus performantes,
la qualité de filtres renforcée...
les techniques de surveillance
de l'air se perfectionnent.
D
epuis le début de l'année 2022,
les spécialistes communiquent à
distance avec les stations Opera1
- collecteurs des poussières atmosphériques
- proches des installations nucléaires.
Ils peuvent même les télépiloter. Chacune
disposant d'un routeur, divers paramètres
sont consultables. Par exemple, la chute soudaine
du débit de la pompe, qui signale un
probable colmatage du filtre, aide à anticiper
son remplacement et évite l'arrêt automatique
du préleveur.
Ces innovations illustrent les constantes
améliorations du réseau de surveillance
de l'air en France (lire p. 11).
Détecter des traces
En temps normal, les radionucléides dans
l'air - notamment artificiels - sont à l'état
de traces. Pour les détecter, il faut une filtration
de l'air ambiant efficace et des mesures
performantes des filtres en laboratoire.
L'exemple du césium 137 est emblématique.
Celui issu des essais nucléaires
antérieurs à 1980 et de l'accident de Tchernobyl
constitue un bruit de fond détectable
dans l'atmosphère du fait de sa période
radioactive longue. À cela, s'ajoute l'apport
infime provenant du parc nucléaire, décelable
uniquement au voisinage immédiat des
centrales. Sa traque est donc complexe.
Pour détecter sa part ancienne, onze stations
dites « bas niveau », placées hors
zone d'influence des centrales, filtrent en
continu 700 à 900 m3
/h d'air. Des filtres
en polypropylène2 y piègent les particules
provenant de 100 000 à 150 000 m3
d'air
sur une semaine. « Ils sont peu sensibles au
colmatage et à l'humidité, néanmoins faciles
à compacter afin de pratiquer la mesure2 »,
explique Magali Béguin-Leprieur, spécialiste
du prélèvement des aérosols.
La mesure standard de ces filtres prend
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Près de la centrale de Saint-Alban Saint-Maurice (Isère),
la station Opera grand débit 330 m3
trois jours. La concentration moyenne du
bruit de fond en césium 137 dans l'air est
d'environ 0,2 μBq/m3
de détection de 0,1 μBq/m3
/h utilisée pour l'étude radiologique du site.
. Proche de la limite
, elle révèle
surtout des dépôts anciens remis en suspension
par l'érosion éolienne des sols,
l'émission des pollens ou issus de la combustion
de la biomasse (lire p. 11).
Pour réduire les délais de mesure, les spécialistes
en analyse de signaux Paul Malfrait3,
Anne de Vismes-Ott3 et Jérôme Bobin4 conçoivent
en 2021 un algorithme. Cette
méthode statistique décompose le spectre
global en spectres individuels. Appelée
« démélange spectral », elle détermine les
radioéléments et leurs quantités respectives.
À terme, son utilisation devrait diviser par
deux le temps de détection.
Mesure différée et temps réel
En 2019, l'Institut évalue pour la première
fois l'impact d'une installation nucléaire
sur son environnement immédiat par la
mesure des radionucléides dans l'air.
Une station mobile Opera est utilisée à
l'occasion de cette étude radiologique de
site, menée autour de la centrale iséroise
de Saint-Alban Saint-Maurice (voir webmag
p. 15). Placée à 1 km de la centrale pendant
un an, la station fournit avec précision les
niveaux de césium 137. Verdict : les rejets
atmosphériques de la centrale représentent
environ un tiers du bruit de fond
local très bas, soit 0,1 μBq/m3
.
La détection du tritium atmosphérique
- également à des teneurs très faibles -
requiert aussi des dispositifs spécifiques.
Des données partagées
Quid de la surveillance en temps réel ?
Les compteurs proportionnels très sensibles
des balises du réseau Téléray5
détectent de faibles élévations du niveau
ambiant, de l'ordre de quelques nSv/h.
Pour améliorer leur fonction d'alerte, il
faut dissocier les pics d'origine naturelle et
ceux dont l'origine serait artificielle. C'est
ce que permet un nouveau type de balises
de spectrométrie gamma6, en cours de
déploiement depuis 2020 par le Laboratoire
de télédétection du Vésinet (Yvelines) (voir
infographie p. 11). Grâce à des analyses plus
riches, ces nouvelles balises, en plus de quantifier,
identifient des radionucléides et abaissent
le seuil d'alarme.
Des partenariats complètent et renforcent la
surveillance atmosphérique. Depuis 2011,
l'IRSN coopère avec l'Andra7 dans le cadre
de l'Observatoire pérenne de l'environnement
(OPE), pour dresser l'état des concentrations
© Pascal Paulat/Médiathèque IRSN
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