Aires Marines Protégées n°51 le marin du 25 février 2021 - 2

Pollution plastique : une invasion venue de la terre

80 % des déchets en mer sont issus de la terre. Les
trois quarts de ces déchets sont du plastique : emballages, granulés industriels, fibres textiles... « Trop de
déchets arrivent encore à la mer, principalement via
les fleuves. Et nous n'avons pas de méthode directe
pour évaluer ces flux », pointe Pierre-François Staub,
chargé de mission sur les pollutions chimiques
des écosystèmes à l'Office français de la biodiversité (OFB). Chaque corridor estuarien a sa propre
dynamique. « Le chemin n'est pas linéaire, on peut
avoir des situations ou les déchets s'échouent sur les
berges dans des zones d'accumulation et y restent
parfois longtemps jusqu'à une crue. Ils arrivent dans
des estuaires où le phénomène de marées les bloque
et leur permet de s'accumuler " . » Les macrodéchets
se dégraderont alors parfois très lentement avant de
rejoindre l'océan dans des estuaires que le spécialiste qualifie « de réacteur à microdéchets ».
Cette pollution est prise en compte au niveau européen par la directive-cadre stratégie pour le milieu
marin (DCSMM). « Un travail assez intensif a été réalisé ces dernières années. Il a permis de progresser
fortement sur la description et l'état de l'environnement marin », souligne Pierre-François Staub. Ce
qui est vrai en mer ne l'est pas nécessairement à
terre. « Les déchets plastique ne rentrent pas dans le
champ réglementaire de la directive-cadre sur l'eau.
Ainsi, nous n'avons pas de surveillance systématique
de la qualité de ces corridors fluviaux au regard des
déchets. C'est un maillon faible, constate-t-il. Pour
commencer à traiter cette pollution, le plan d'actions
zéro plastique en mer, qui prévoit 35 mesures, a été
initié par l'État. » Il mobilise les agences de l'eau et
l'Ademe qui doivent notamment prévenir les pollu-

La pollution liée aux déchets en mer
prend sa source à 80 % sur le continent.
Une pollution inscrite dans le temps,
diffuse et complexe à endiguer.

80% des déchets en mer sont issus de la terre. Ici sur les bords de la Seine, 70 km avant la mer.

tions aux plastiques en amont et lutter contre la présence de plastique dans les cours d'eau et les eaux
usées et pluviales.

Changer les comportements
Par ailleurs, le projet européen Interreg Preventing
plastic pollution (prévenir la pollution plastique)
traque le plastique de sa source jusqu'à la mer dans
sept sites pilotes dont deux à la pointe Finistère.
« Nous voulons voir comment on peut réduire cette
pollution et faire changer les comportements sur l'utilisation du plastique à l'échelle du bassin-versant »,
détaille Patrick Pouline, chargé de mission qualité
de l'eau au parc naturel marin d'Iroise. Un travail

Il faut s'adapter à chaque territoire

3 questions à...

Comment les gestionnaires d'espaces naturels du littoral prennentils en compte la pollution plastique ?

Didier Réaul,
président de Rivages
de France

de connaissance sur l'origine des macrodéchets est
mené, de même qu'un travail de collecte dans des
zones difficiles d'accès : falaises, îlots, zones portuaires sous-marines. Même si, en Iroise, une part
conséquente des déchets plastique retrouvés sur les
côtes provient des activités maritimes. « Nous avons
bien conscience qu'au-delà de ces collectes, il faut agir
sur le fond c'est pour cela que nous avons entrepris un
travail de sensibilisation des futurs patrons pêcheurs
au lycée maritime. ». Ce travail de sensibilisation est
pratiqué par l'ensemble des parcs naturels marins.
« Tous les parcs développent des actions pour prévenir
ou lutter contre les déchets, pointe Patrick Pouline.
Cela montre que c'est un véritable enjeu aujourd'hui
pour les gestionnaires d'aires marines protégées. »

Rivages de France regroupe majoritairement des collectivités, des associations, des gestionnaires d'espaces
naturels du littoral qui travaillent tous
en étroite collaboration avec le Conservatoire du littoral. Aujourd'hui, nous savons que si l'on considère qu'il ne faut
traiter que les 100, 200 ou 300 mètres
proches du littoral, on a tout faux. Il
faut remonter sur l'ensemble du bassinversant. C'est notre politique depuis
plusieurs années. Il faut travailler plus
en profondeur et prévenir, anticiper, si

l'aire marine / numéro 51 / février 2021

l'on veut endiguer l'invasion plastique
du littoral. Tout ne se résume pas à la
plage ou au littoral, la problématique
commence au sommet du bassin-versant.
Comment travailler en amont, à
l'échelle du bassin-versant ?
La question de l'échelle est
fondamentale. C'est à l'échelle du
département, de la métropole ou
de la communauté de communes
qu'on doit avoir une politique de
séparation des déchets mais aussi de
sensibilisation : les particuliers, pour
le tri, comme les industriels pour

la production même des déchets.
Toutes les méthodes doivent être utilisées : éducation à l'environnement
et incitation financière.
Dans ce cadre, quelles solutions
propose Rivages de France ?
La réponse unique n'existe pas. Il faut
s'adapter à chaque territoire. Finalement, notre vocation est, plus que de
préconiser des solutions, de répertorier celles qui existent, qui ont été
mises en place dans certains territoires
et permettre à nos membres de se les
approprier. Le partage d'expériences
est sans doute la meilleure solution.

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