Cultures marines n°300 - 33

charente-maritime Dossier David Labardin Difficile cohabitation avec les pêcheurs à pied L'interdiction de s'approcher à moins de 25 mètres des parcs est loin d'être toujours respectée. Travailler dans le département le plus touristique de France n'a pas que des avantages. Surtout quand les visiteurs se passionnent pour la pêche à pied. Il faut dire que les amateurs de l'estran sont nombreux à ne pas connaître la législation. À chaque grande marée, ils sont des centaines à s'approcher à moins de 25 mètres des parcs pour y ramasser des huîtres et des palourdes entre les tables. Le problème serait moins grave si certains n'allaient pas jusqu'à se servir directement dans les poches. « Il y a des tensions, surtout qu'il y a de plus en plus de pêcheurs à pied », constate Francis Bédis, garde-juré au CRC. Un brin désabusé, l'homme n'est même pas sorti sur le terrain lors des dernières grandes marées. Il est vrai qu'il occupe de nombreuses autres fonctions au sein du CRC. « Souvent, on en voit avec 30 ou 40 kg d'huîtres, alors on fait une procédure, mais c'est encore pire le lendemain. Tout ce qui a été fait n'a servi à rien », regrette-t-il. Et quand il s'agit d'huîtres étonnamment bien calibrées, impossible de prouver qu'elles ont été volées dans des poches. « Ou alors il faudrait les prendre en flagrant délit », ajoute-il. Le phénomène est particulièrement visible sur les îles de Ré et d'Oléron, à Marennes, Bourcefranc, Fouras (La Fumée), La Tremblade (La Cèpe) ou sur l'île Madame. Déçu du faible nombre de poursuites, Françis Bédis n'ignore pas que les dossiers qu'il transmet au Parquet peuvent paraître bien dérisoires face à des délits beaucoup plus graves. « Mais les professionnels en ont marre. Notre plus grande crainte, c'est qu'un jour, ça se passe mal sur le terrain », ajoutet-il. Ces dernières années, plusieurs épisodes houleux ont déjà opposé des professionnels et des pêcheurs à pied. Combien sont-ils, apprentis ostréiculteurs, à écouler des huîtres sous le manteau ? « Plusieurs dizaines », répond Françis Bédis, garde-juré du CRC. Partout où il y a des marais salés, mais surtout sur les hauts de la Seudre, des particuliers achètent des claires, ou des anciens établissements, et s'essaient à l'élevage à partir d'huîtres pêchées sur l'estran. « C'est pour leur consommation personnelle, et puis ils commencent à en vendre quelques douzaines pour payer leurs impôts. Certains montent ensuite en régime, jusqu'à quatre ou cinq tonnes par an », ajoute le garde-juré. Illustration à Nieulle-sur-Seudreil y a quelques années, quand ses investigations l'ont mené à quatorze claires remplies d'huîtres. Une autre fois, un homme distribuait des tracts annonçant un tarif défiant toute concurrence. Mais la plupart vendent leur production dans le cadre familial, à leurs amis, ou auprès de leurs collègues. Un phénomène marginal, certes, mais qui est pris très au sérieux au CRC. C'est d'abord l'aspect sanitaire qui est pointé du doigt, Françis Bédis se souvient d'avoir découvert un site avec « de l'eau croupie ». Et comme ces apprentis sorciers vont jusqu'à commercialiser les huîtres sous le nom de fines ou de spéciales, le risque d'entacher la réputation des vrais professionnels est bien réel. « Un jour, à Noël, nous pourrions très bien nous retrouver avec une fermeture administrative à cause d'eux. C'est un véritable fléau », ajoute-t-il. D. L. Des huîtres sous le manteau Selon le garde-juré du CRC, certains vont jusqu'à commercialiser quatre ou cinq tonnes d'huîtres illégalement. Tragique accident sur l'île de Ré Début septembre, un pêcheur à pied de 43 ans est décédé dans un accident survenu aux Portes-en-Ré. Ce matin-là, l'homme se rend sur l'estran avec un ami pour ramasser des palourdes. Mais la sortie vire au fiasco quand les deux pêcheurs approchent leur camionnette au plus près de la mer afin de charger les coquillages. Le véhicule s'enlise dans la vase. Sans rien demander à personne, l'homme se dirige vers le tracteur d'un ostréiculteur stationné sur le parking de la Patache. Ne voyant pas de clef de contact, il prend le volant et tente de remorquer le véhicule. La suite est tragique. Au cours de la manœuvre, le tracteur se retourne sur le pêcheur à pied et le blesse grièvement. Victime d'un arrêt cardiaque, l'homme de 43 ans est transporté par hélicoptère vers l'hôpital de Poitiers. Il décédera le lendemain. Le tracteur, lui, a été laissé sur le site, hors d'usage ou tout du moins très endommagé. Une mauvaise nouvelle pour le propriétaire, l'ostréiculteur Nicolas Lebon, dont l'entreprise est basée à Nieul-surMer mais qui vit à La Réunion. Mis au courant par un salarié, il a porté plainte avant d'apprendre le décès du pêcheur à pied. Les poursuites devraient être abandonnées. Cultures MARINES n°300 - octobre 2016 33

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