Cultures marines 306 - 5

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Quand la profession se mêle des
Depuis 2012, le comité
régional de la conchyliculture
de Bretagne sud et la Safer,
instance publique de gestion
du foncier, ont bloqué
trois dossiers de vente de
chantiers ostréicoles dans
le golfe du Morbihan. Une
ingérence assumée pour
empêcher que ces chantiers
deviennent des habitations
et les laisser aux mains de la
profession.

Des ventes extravagantes
« Nous avons trouvé un chantier ostréicole mis en vente à
950 000 euros sur un site internet,
raconte Thierry Guého, de la Safer,
organisme para-public qui gère

Julie Lallouët-Geffroy

« Si nous bloquons des dossiers,
c'est pour des raisons de survie, et
je pèse mes mots », appuie Philippe
Le Gal, le président du CRC de Bretagne sud. Une maison vue sur mer,
les pieds dans l'eau, a les arguments
pour faire grimper les enchères suffisamment haut pour être tenté de
convertir un chantier en résidence
secondaire. Ainsi, Sarzeau est la
4e ville la plus prisée de Bretagne
avec plus de 6 000 résidences
secondaires, selon le baromètre
2016 de la chambre des notaires du
Morbihan, avec des prix médians
pour les maisons anciennes 64%
plus élevés dans le Morbihan que
dans le Finistère. Pour les vendeurs,
malgré l'obstacle de la loi, il y a donc
des affaires à faire et certains ne se
privent pas.

Laisser les chantiers ostréicoles partir aux
mains des particuliers serait « la mort des
professionnels », assure Philippe Le Gal,
président du CRC de Bretagne sud.

le foncier agricole, alors que j'ai
estimé ce bien à 250 000 euros. »
Toute la différence réside dans les
mots. Le bâtiment est identique,
mais sa valeur change s'il s'appelle
chantier ostréicole ou maison vue
sur mer. Certains chantiers sont
ainsi mis en vente au prix de l'immobilier et pas au prix du secteur
professionnel, pour des sommes
quatre fois plus importantes. Des
chantiers sont ainsi devenus des
habitations et le bassin d'épuration métamorphosé en piscine à
débordement. Des notaires, pourtant a priori fins connaisseurs de la

législation, ont acquis des chantiers
pour les vendre à des particuliers. Il
y a aussi des velléités pour convertir un établissement ostréicole en
chantier naval.
Les exemples sont légions sur le
littoral français, mais surtout dans
le golfe du Morbihan. Ce secteur
a la particularité d'avoir des installations conchylicoles disséminées
un peu partout sur la côte, de quoi
former un gruyère dans lequel il
est aisé de transformer un chantier
en maison. Une manœuvre bien
plus difficile à réaliser dans un
lotissement professionnel tant la

Que dit la loi ?
- La loi littoral de 1986 interdit toute construction
sur la bande des 100 mètres, sauf pour les besoins des
services publics et la conchyliculture.
- Les plans locaux d'urbanisme (PLU) et de l'habitat (PLH) ne peuvent aller contre la loi littoral. Ainsi
un permis de construire délivré dans le respect du
PLU peut être annulé, si ce dernier est contraire à la
loi littoral.
- En cas de compromis de vente, ou d'un mandat,
la Safer doit systématiquement être notifiée. Elle a alors
deux mois pour intervenir, ou pas.
- Tout changement de destination, par exemple un
chantier ostréicole qui deviendrait une habitation, est
par défaut interdit, néanmoins une autorisation préa-

lable peut être demandée, qu'il y ait ou non velléité de
demande de permis de construire.
- Le non-respect de cette demande d'autorisation
préalable est une infraction pénale, avec des peines
allant de 1 200 à 30 000 euros. En cas de récidive, une
peine d'emprisonnement peut être prononcée. La
destruction du bien concerné peut également être
décidée.
- La Safer peut intervenir pour deux raisons : un prix
déconnecté des valeurs du marché agricole et conchylicole et un changement de destination. Elle privilégie
systématiquement l'accord à l'amiable, mais se réserve
le droit de faire usage de son droit de préemption en
imposant son prix et son repreneur.

localisation est peu attrayante pour
y passer ses vieux jours.
Face à ces abus, Thierry Guého se
montre à l'écoute : « Je comprends
parfaitement que certaines personnes tentent de tirer le maximum de leur chantier pour assurer
leur retraite, c'est dans la nature
humaine ; le problème, c'est que
changer la destination d'un chantier, ce n'est pas légal, c'est aussi
simple que cela. »
Pour Philippe Le Gal, « non seulement ce n'est pas légal, mais
en plus, il n'est pas acceptable
d'essayer de se faire de l'argent en
utilisant notre privilège issu de la
loi littoral. Il faut que ces chantiers
restent destinés à la conchyliculture et pas au tourisme, sinon c'est
la mort de la profession. »

Tout changement de destination
est soumis à autorisation
Une entreprise conchylicole peut
relever de plusieurs juridictions. Du
domaine public maritime (DPM)
pour la concession, parfois même le
chantier et la maison ; mais la maison
peut aussi relever du droit privé, tout
comme le chantier ; chaque entreprise ayant sa propre configuration.
En cas de vente, le chantier
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Cultures MARINES n°306 - mai 2017

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