Cultures marines 306 - 6

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ventes de chantiers des confrères

J. L.-G.

Safer qui gère la vente des terres
en s'assurant que leur destination
perdure et que les prix soient en
accord avec le marché, car il arrive
régulièrement qu'un agriculteur
soit tenté de vendre à un non-professionnel tant le prix d'un terrain à
urbaniser est alléchant face à celui
d'une terre agricole ; tout comme
dans le secteur ostréicole. C'est
pour cette raison que CRC et Safer
travaillent main dans la main dans
le golfe du Morbihan.
Le CRC se penche sur la question foncière depuis bientôt dix
ans, avec la mise en place d'une
charte en 2011 qui synthétise les
textes de loi et précise dans son
introduction : « La transformation
des bâtiments conchylicoles
(essentiellement des habitations
d'exploitants) sur domaine privé,
en résidences secondaires, est
un sujet de préoccupation qui
n'a jamais trouvé de solution.
Ce phénomène qui aboutit au
démembrement des chantiers,
accompagne la réduction progressive du nombre d'exploitations constatée depuis plusieurs
années. » L'année suivante, en
2012, le groupe Contact 56 est mis
en place afin de surveiller les cessions et d'intervenir si nécessaire.

L'enchevêtrement des chantiers et habitations dans le golfe du Morbihan
attise les convoitises et fait grimper les prix, de quoi détériorer les relations
de bon voisinage.

Le droit de préemption,
une « bombe atomique »
Pour parvenir à mettre en place
ce dispositif d'inter vention au
moment de la cession, le soutien
des élus s'est révélé essentiel. Il a
fallu les convaincre de réfléchir à
long, et pas à court terme. En effet,

CRC de Bretagne sud

.../...
ostréicole ne peut pas changer de
destination en devenant un port de
plaisance ou une résidence secondaire. Pourtant, cette manœuvre
est répandue, il suffit de regarder
la côte pour s'apercevoir que chantiers et maisons cohabitent les uns
à côté des autres. « Ces pratiques,
illégales rappelons-le, sont assez
courantes, explique Philippe Le Gal,
par le passé, il y avait une forme de
tolérance ou de laxisme. Le problème c'est qu'aujourd'hui, cette
tendance ne fait que s'accroître
et qu'à terme, les ostréiculteurs
ne pourront plus s'installer ou
s'agrandir, car tous les chantiers
seront vendus à des particuliers. »
La loi exige qu'un chantier
ostréicole reste au fil des cessions à
vocation ostréicole. À ce titre, une
vente pour une résidence secondaire se traduit par un changement
de destination, et cela est contraire
à la loi. « Il est nécessaire que chacun comprenne l'importance de
l'enjeu pour notre profession », explique Philippe Le Gal. Le président
du CRC de Bretagne sud s'échine
à aller contre l'adage « après moi,
le déluge » et à pouvoir orienter
des professionnels intéressés vers
des biens disponibles. Il assure
même recevoir chaque semaine
des coups de fil de conchyliculteurs
souhaitant s'installer ou s'agrandir.
Mais il n'est pas toujours aisé
de convaincre les confrères car
la vente à un particulier est une
opération bien plus intéressante
qu'une vente à un professionnel,
les prix étant fixés selon des critères
différents.
Dans le secteur agricole, c'est la

Transformer un chantier en résidence secondaire est une pratique courante, comme ici, mais contraire à la loi littoral.

à court terme, les résidences sont
bien plus rentables, en termes de
taxe foncière et d'habitation, pour
le budget des collectivités ; « mais
avec des habitants présents aux
périodes estivales, c'est la mort
assurée du tissu économique
local, détaille Philippe Le Gal, les
élus l'ont bien compris et nous
ont soutenus ».
Ce groupe Contact 56 réunit
CRC, État et Safer. L'objectif de
cette structure est de se pencher
sur les dossiers de vente potentiellement litigieux. « Notre approche
est toujours celle du dialogue et
de la médiation, par fois cela
prend près d'un an pour trouver
un accord qui convienne à tout
le monde, explique Thierry Guého
de la Safer, le but est qu'aucune
des parties ne se sente lésées en
ramenant les prix de vente au
juste prix. »
Mais la Safer ne fait pas que dans
la dentelle avec la médiation, elle
peut aussi sortir l'artillerie lourde :
le droit de préemption. La Safer
peut en effet casser une vente,
la sortir du marché et décider de
gérer elle-même la vente et le
prix. Comme l'avait dit le président
national des Safer il y a quelques
années dans la presse, « c'est une
bombe atomique », très peu utilisée dans les faits, dans moins de
10 % des ventes agricoles, mais qui
a le mérite d'être dissuasive. Depuis cinq ans dans le Morbihan, il
n'y a eu qu'un seul cas de préemption sur le foncier conchylicole à
cause d'un prix déconnecté de la
réalité du marché agricole, un prix
à la hausse bien sûr.

L a S a fe r e s t é g a l e m e n t e n
mesure d'acheter un terrain et de le
garder en attendant de trouver un
repreneur. La constitution d'une
réserve foncière, qui a déjà court
dans l'agriculture, est aujourd'hui
à l'étude pour le foncier conchylicole, un terrain étant déjà mis de
côté par la Safer dans le département.

Un marché foncier transparent
Travailler main dans la main
avec la Safer permet également
d'avoir une meilleure connaissance
des prix pratiqués. Les notaires
sont dans l'obligation de notifier
chaque compromis de vente à la
Safer qui a deux mois pour décider
d'intervenir, ou pas. Elle obtient
ainsi une visibilité sur l'ensemble
des transactions, des prix pratiqués
et peut estimer la valeur des biens.
Comme le détaille Philippe Le Gal :
« Chacun essaye de faire une
bonne affaire, meilleure que le
voisin, mais au final, personne ne
connaît le juste prix. Avec la Safer,
c'est une information que nous
pouvons désormais obtenir. »
De quoi éviter à un jeune professionnel d'acheter trop cher et
d'accumuler les difficultés pour
rembourser son prêt, d'éviter aussi
de vendre à un prix trop faible et se
sentir lésé. En analysant ces estimations de biens et les prix pratiqués,
la Safer sera en mesure de fournir
des barèmes et des prix publics,
accessibles pour toute personne
souhaitant céder son chantier.
Julie LALLOUËT-GEFFROY
Cultures MARINES n°306 - mai 2017

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