Cultures marines n° 308 - 32

saison des moules

Dossier

L'élevage de moules génère des
déchets. De nombreux déchets.
Le comité régional conchylicole
de Poitou-Charentes a cherché à
en évaluer la quantité. Ainsi, pour
17 960 tonnes de moules produites
en moyenne chaque année sur le
bassin, 12 210 tonnes sont commercialisables (avec une grille de
12 mm), il reste donc 5 750 tonnes
de sous-produits : près de 80 % de
moules mortes, cassées et soustaille mais aussi des boues, des
organismes marins ou encore des
déchets de filets. Cette activité génère aussi 855 tonnes de byssus par
an et près de 6 000 tonnes de bois
de pieux usagés. « On a regardé ce
que l'on pouvait faire de chacun
de ces produits », indique Laurent
Champeau, directeur du CRC.
Le comité conchylicole a ainsi
observé que 88 % des moules soustaille sont aujourd'hui rejetées en
mer, tout comme 63 % des moules
cassées ou mortes et 50 % du
byssus. La moitié des filets sont collectés par les collectivités et les trois
quarts des pieux en bois sont réutilisés en bois de chauffage. Il existe
pourtant des voies de valorisation
possible. Comme l'amendement
organique ou calcaire. Mais « les
débouchés les plus intéressants
sont dans l'industrie agroalimentaire à travers l'alimentation
animale pour les moules soustaille, relève Laurent Champeau.
Le byssus, lui, pourrait intéresser
les fabricants de colle bio-sourcée
ou la pharmacologie. Aujourd'hui,
le byssus des moules est jeté alors
que ce pourrait être un produit
très intéressant pour les mytiliculteurs à condition qu'il ne soit
plus considéré comme un déchet
dont il faut se débarrasser mais

Marion Larronde-Larretche

Byssus, pieux, moules mortes : des déchets à valoriser

Moules sous-taille ou mortes, restes de filets, byssus, l'activité mytilicole génère divers déchets, que plusieurs
cherchent aujourd'hui à valoriser.

comme un produit valorisable.
Si ça marche, le byssus pourrait
valoir très très cher ».

Économie circulaire
« Les pieux de bouchot pourraient aussi être intégrés à la
filière bois du département dans
un projet d'économie circulaire,
reprend le directeur du CRC. Il
faut pouvoir valoriser toute cette
matière première aujourd'hui
perdue. »
Car au-delà du simple amendement agricole ou du matériau
pour la construction, une forte valeur ajoutée pourrait être attendue
si des applications se concrétisent

en chimie, nutraceutique, quand
un ingrédient actif présent à l'état
naturel procure un effet bénéfique
sur la santé, ou dans le domaine
médical. Les lipides de la chair de
moules peuvent par exemple intéresser les laboratoires médicaux
et les fabricants de compléments
alimentaires, ou les protéines
adhésives du byssus intégrer la
fabrication de colles bio-sourcées.
Pour une réutilisation ultérieure de
la chair de moules sous-taille ou du
byssus, il faudra bien sûr procéder
avant à l'hygiénisation du produit,
son broyage puis l'extraction ou
purification des ingrédients recherchés. C'est bien là tout l'objet
de l'étude en cours au CRC charentais et dont les résultats finaux ne
seront connus qu'après l'été.

Papiers de création

Pour la société Medithau, le byssus des moules est un « matériau du futur ».

Cultures MARINES n°308 - juillet-août 2017

S i s t e r, l e b u r e a u d 'é t u d e s
rochelais qui est en charge de ce
projet, cherche déjà à évaluer les
contraintes de l'approvisionnement
des déchets en termes de coût, de
logistique et des différentes pratiques à mettre en place ainsi que
des éventuelles unités de transformations à développer pour le décorticage, l'hydrolyse, le broyage... La
phase de recherche et développement devra enfin permettre de

définir les modèles d'extraction et
de purification des molécules d'intérêts à mettre en place.
Les Charentais ne sont pas les
seuls à s'intéresser de près aux
déchets mytilicoles. Le projet
d'écodigesteur en Bretagne nord
est un autre exemple d'essai de
valorisation des moules soustaille. La société Medithau située
à Marseillan au bord de l'étang de
Thau croit elle aussi aux propriétés
du byssus et imagine l'intégrer
dans la conception de produits
innovants et respectueux de l'environnement.
Des expérimentations sont en
cours depuis 2011 avec l'école
supérieure d'Ar t et design de
Saint-Étienne et se poursuivent
au sein du laboratoire Prod'IA
pour utiliser cette matière première. Des papiers de création
destinés aux artistes ont ainsi été
fabriqués à partir du byssus de
moule. « Mais les ambitions de
l'entreprise ne s'arrêtent pas là,
précise la maison Tarbouriech.
Des résultats prometteurs sont
enregistrés dans l'élaboration de
tissus techniques, de matériaux
propres à l'ameublement et à la
décoration, ou encore dans les
cosmétiques. »
Marion LARRONDE-LARRETCHE

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