Cultures marines n° 308 - 38

reportage

Entreprise

Les lombaires en compote, Ronan Mahé

« J'ai l'impression
de marcher comme un robot »
En ce vendredi ensoleillé de
juin, Ronan, Fabien et Arnaud vont
tourner quelques poches dans la
baie de Kerné, dans le golfe du
Morbihan. À bord du chaland, un
invité spécial. Pas le chien Capsule,
habitué à faire les marées avec ses
maîtres, mais Tomthéo Le Rudulier,
commercial chez Gobio robot. Cette
société basée à Carquefou, près de
Nantes, fabrique des robots collaboratifs, des bras manipulateurs et des
ergosquelettes.
Dans ses bagages, Tomthéo
Le Rudulier a apporté des Exo IP13
modèle Laevo. Des harnais qui se
composent de trois parties reliées
entre elles : un élément sur la poitrine, deux articulations autour des
deux hanches et deux sortes d'arceau qui viennent envelopper les

Commercialisé par la société Gobio robot,
l'ergosquelette est aujourd'hui surtout utilisé
dans les milieux industriels.

quadriceps. Ainsi quand l'utilisateur
se penche en avant, il est soutenu au
niveau de la poitrine, le poids de la
partie haute du corps étant transféré
sur les cuisses via les articulations
positionnées sur les hanches.
Les trois compères ont déjà testé
l'engin dans les locaux de Gobio
robot. « Et ça marche, a constaté
Ronan Mahé. Mais on n'avait pas
amené nos waders. » Les ostréiculteurs voulaient mettre à l'épreuve
les ergosquelettes en conditions
réelles. « J'ai l'impression de marcher comme un robot », s'amuse
Fabien. Le mythe Terminator s'arrête
vite. L'Exo IP13 pèse 2,2 kg. Il est quasi
invisible sous les cuissardes.
Première épreuve, la descente
du chaland. Sans doute un coup
à prendre. Deuxième vérification,
enjamber les tables. « J'aurais jamais cru qu'on pouvait passer pardessus les rangées comme ça »,
commente Ronan. Non contents
de pouvoir enfiler leur waders sans
gêne, les ostréiculteurs sont aussi
rapidement convaincus du soutien
apporté par l'Exo IP13. « Ce matin,
j'avais ma ceinture mais au bout
de la rangée je ne pouvais quand
même plus me relever, témoigne
Arnaud David. Là, ça ne me brûle

M. L.-L.

Ronan Mahé a 35 ans. « Et ça y est,
je suis déjà un peu usé. » Quinze
ans d'ostréiculture derrière lui, 1 000
à 1 500 poches à tourner par marée,
un mois pour démailler toutes
ses huîtres, un travail laborieux à
répéter quatre fois dans l'année, et
une hernie discale depuis deux ans.
« L'hiver, quand on charge, ça va,
reprend l'ostréiculteur. Dès qu'on
commence à tourner les poches,
la douleur revient. Et mes copains
c'est pareil. »
Son père aussi. Louis Mahé, opéré
quatre fois du dos. Certains estiment que les problèmes de hernies
discales sont héréditaires, « c'est
l'ostréiculture qui est héréditaire »,
corrige Ronan. Arnaud David, son

voisin de parc, 37 ans, a déjà été
opéré. La hernie est déjà revenue.
Fabien Mahé a moins de problèmes de dos que son frère ou son
collègue. « Mais dès que je tourne
des poches, j'ai quand même
mal. »

Cultures MARINES n°308 - juillet-août 2017

pas le dos. » « Ça ne te gêne pas,
Fabien ? », l'interroge son frère.
« Non, ça va. »
L'ergosquelette de Ronan semble
moins bien lui convenir. Le soutien
thoracique du harnais a tendance à
tourner, pas facile ni recommandé
de le remettre régulièrement en
place avec les gants salis. Ces
appareils sont aujourd'hui fabriqués sur-mesure. Commercialisés
depuis 2015, quelques centaines à
peine sont en circulation en France,
principalement dans les milieux
industriels, en aéronautique, dans
le secteur automobile, en agroalimentaire. Tomthéo Le Rudulier
semble peu inquiet par ce souci, qui
devrait selon lui se régler avec un
modèle bien adapté à la morphologie de Ronan. L'essentiel du test
du jour était de vérifier le soutien
apporté par les ergosquelettes et
l'expérimentation paraît concluante.

2 350 euros pièce
Mais avant de passer à la caisse,
une petite réflexion s'impose.
« L'ostréiculture est un métier un
peu bourrin, s'inquiète Ronan. J'ai
peur que ça casse quand on monte
sur le chaland. » L'appareil est assez

M. L.-L.

Parce qu'il estime qu'il n'y a
pas mieux que les poches
pour élever ses huîtres et
parce qu'à 35 ans il a déjà une
hernie discale, Ronan Mahé
cherche une solution pour
soulager son dos. Vendredi
16 juin, baie de Kerné dans
le golfe du Morbihan, basse
mer à 18 h 03, coeﬃcient 55,
l'ostréiculteur fait sa marée
avec un ergosquelette.

Vendredi 16 juin, en baie de Kerné, dans le Morbihan,
Fabien Mahé enfile son ergosquelette Exo IP13. Test
en conditions réelles.

« J'aurais jamais cru qu'on
pouvait passer par-dessus
les rangées comme ça. »

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