Cultures marines n° 308 - 4

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La conchyliculture : « un modèle à revoir »

L'Ifremer juge et partie, l'indispensable étiquetage des triploïdes,
les transferts d'huîtres trop nombreux... L'avis du Conseil économique, social et environnemental
(Cese) sur les fermes aquacoles
enfonce des portes ouvertes. En
prônant le développement d'une
aquaculture durable et en regrettant que les précédents rapports sur
le sujet soient restés lettre morte,
Élodie Martinie-Cousty et Joëlle Prévot-Madère, les deux rapporteures,

Certaines comme le retour des
aides à l'installation, davantage
de moyens financiers ou humains
pour mener à bien les travaux sur
les mortalités de moules ou encore
une vigilance accrue sur les produits
phytosanitaires feront sans doute
consensus au sein de la profession
conchylicole. D'autres généreront
davantage de débats. Estimant que
la « surdensité » et « les transferts

◗ Mieux informer
les consommateurs

◗ Mieux contrôler
les écloseries

◗ Améliorer les
conditions de travail

Le Cese regrette une « for te
méconnaissance » de la par t
des consommateurs en ce qui
concerne les produits aquatiques
et réclame qu'« un étiquetage
réglementaire soit rapidement
mis en place ». Celui-ci préciserait
« s'il s'agit d'huîtres triploïdes ou
diploïdes nées en écloseries, pour
ainsi les différencier des huîtres
naturelles nées et élevées en
mer ». « Est-ce que les consommateurs sont au courant de tout
cela ?, s'interroge Élodie MartinieCousty. Je pense que ça vaut le
coup de les informer. »

Élodie Martinie-Cousty craint qu'à
cause de la baisse de ses dotations,
l'Ifremer n'ait « plus les moyens »
de faire le suivi de l'impact des triploïdes dans le milieu « aussi bien
qu'avant ». L'institut doit pourtant,
selon le Cese, continuer à jouer « un
rôle majeur d'appui aux politiques
publiques, ses personnels sont les
seuls à avoir la compétence sur les
milieux marins et côtiers et donc
à pouvoir y exercer un contrôle
strict sur le développement des
espèces ». Il faut donc doter l'institut « de moyens financiers suffisants pour exercer ses missions ».
L'assemblée souhaite aussi
« instamment » que l'Ifremer et
l'État « gardent le contrôle total
des géniteurs tétraploïdes issus
des brevets développés par l'Ifremer » et demande « la mise en
place immédiate » d'une ICPE pour
toutes les écloseries ostréicoles.
Pour le Cese, c'est le seul moyen
pour que l'État reste « garant de
la sécurité sanitaire des consommateurs et de la reconquête de la
biodiversité ».

Le Cese réclame une meilleure couverture des travailleurs saisonniers,
la réduction du caractère précaire
de leurs contrats ou encore des
« solutions en matière de transport et de logement ». L'assemblée
a constaté des conditions de travail
et d'emploi parfois « inacceptables » : activité non déclarée,
hébergement insalubre. « Même
s'il ne s'agit que de pratiques
ponctuelles, plus fréquentes pour
les activités très saisonnières mais
récurrentes dans le processus
de déplacement de productions
d'huîtres d'une façade maritime à
une autre, elles portent atteinte à
toute la profession. »

M. L.-L.

« Vulnérabilité
de la ﬁlière »

Cultures MARINES n°308 - juillet-août 2017

la double gestion des fonds du
Feamp et leur abondement par
l'État et les régions ; un manque
d'information et de sensibilisation
des consommateurs quant à la
provenance, la traçabilité et la
qualité des produits aquatiques
qu'ils achètent ; une insuffisance
de planification stratégique destinée à anticiper et à régler les
conflits d'usage dans les zones
où pourraient s'installer des
entreprises aquacoles, la priorité
étant toujours donnée à d'autres
types d'activités en lien avec le
tourisme ».
Au-delà des constats, souvent
déjà entendus, la question est de
savoir comment seront suivies ces
recommandations. « Le Cese est
la troisième chambre de la République avec l'Assemblée nationale
et le Sénat, rappelle Élodie Martinie-Cousty. Son rôle est d'informer
les consommateurs. » La valeur de
cet avis dépendra donc surtout de
la portée qu'il aura.

réguliers de coquillages entre bassins » ont « renforcé la vulnérabilité
de la filière », le Cese réclame par
exemple « une étude précise de
l'évaluation durable du modèle
actuel de la filière conchylicole ».
Le premier intérêt de cet avis est
de remettre une nouvelle fois les
cartes sur la table. « Il existe plus
de 4 000 entreprises aquacoles
généralement de petite taille et qui
connaissent de grosses difficultés,
dénonce ainsi Élodie Martinie-Cousty. Pourtant personne ne fait rien
pour elles alors qu'elles participent
grandement à l'attractivité du territoire et qu'il faut combler le déficit
commercial abyssal en produits
aquatiques de la France. »

Situation « déplorable »
Le Cese explique cette situation
« déplorable » par « un manque
de portage politique dans la mise
en place des outils du plan stratégique national de développement
de l'aquaculture ; un retard et une
complexité administrative dans

Marion LARRONDE-LARRETCHE

◗ Préserver la qualité
des milieux

M. L.-L.

réitèrent les préconisations de leurs
prédécesseurs.
Dans cet avis adopté le 13 juin par
163 votes, zéro contre et cinq abstentions, le Cese estime donc que
la conchyliculture est « un modèle
à revoir » et que la mytiliculture est
« en grave danger ». Pour tenter de
remédier à cette situation et dans le
but de favoriser le développement
durable des filières aquacoles, le
Cese a identifié 51 actions à mettre
en œuvre.

M. L.-L.

Troisième chambre
de la République,
le Conseil économique,
social et environnemental a
décortiqué la ﬁlière aquacole
sous tous ses angles. Prônant
le développement durable
de l'aquaculture, il distribue
les bons et les mauvais points
et, après avoir proposé des
préconisations souvent déjà
maintes fois entendues, va
maintenant s'atteler
à porter son message.

Tout intrant ayant un impact avéré
sur la production aquacole devrait,
selon le Cese, être « fortement réduit
avec des objectifs chiffrés et un suivi
régulier » et tout produit chimique
nouveau faire l'objet d'une vigilance
accrue pour s'assurer « de sa totale
innocuité sur les écosystèmes
aquatiques, maritimes et terrestres
ainsi que sur la santé humaine »
avec une attention particulière
portée sur les effets cocktail. Le Cese
propose aussi une réorientation des
subventions versées dans le cadre
de la politique agricole commune
en faveur des pratiques agroécologiques. Enfin, l'assemblée demande
de nouveaux soutiens financiers
« pour placer les stations d'épurations littorales dans une démarche
d'amélioration continue ».

Table des matières de la publication Cultures marines n° 308