Cultures marines n° 308 - 6

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Élodie Martinie-Cousty :
« L'étiquetage est une de nos recommandations fortes »

Cultures marines. Vous êtes, avec
Joëlle Prévot-Madère (groupe
des entreprises), rapporteure
de l'avis du Cese sur les fermes
aquacoles. Pourquoi le Cese s'estil auto-saisi de ce sujet ?
Élodie Martinie-Cousty. Je suis
pilote du réseau Océans, mers et
littoraux au sein de FNE et à ce
titre, je m'intéresse beaucoup aux
questions de cultures marines et
de pêche. Je me bats aussi depuis
des années pour une reconquête
de la qualité de l'eau. Avec les
nombreuses épizooties récentes
en aquaculture et la contestation
que l'on observe dès qu'il y a un
nouveau projet de ferme aquacole, cela m'intéressait de comprendre ce qui se passait sur notre
littoral, dans cette filière.

Même si les
professionnels ont décidé
de certaines choses par euxmêmes, les consommateurs
ont le droit de savoir.
CM. Le Cese produit en général des rapports ou des études
desquels il tire ensuite un avis.
Vous êtes passé directement à
l'avis en sautant des étapes. Il y
a urgence ?
ÉMC. Quand j'ai appris que
les Français consommaient en
moyenne 34 kg de produits aquatiques par an dont 86 % de produits importés, je suis tombée de
ma chaise ! J'étais loin de me douter que le déficit commercial de
ce secteur était aussi abyssal... Il
y a déjà eu de nombreux rapports
sur ce sujet, il ne servait à rien d'en

faire un énième. En revanche, il fallait tout de suite voir où on en était
des précédentes préconisations,
faire un état des lieux et proposer
des solutions.
CM. Vous réclamez l'étiquetage des huîtres produites en
écloserie mais l'interprofession
ne souhaite pas aller dans ce
sens. Lors d'un débat au Sénat,
les opinions étaient majoritairement contre, l'Opecst (1) a aussi
récemment émis un avis défavorable à ce sujet. Pourquoi aller
à l'encontre de ces précédentes
prises de position ?
ÉMC. Je trouve ça dingue qu'il
n'y ait pas d'étiquetage pour différencier deux types de production
complètement différents. Quand
les gens achètent du poulet, ils
savent si c'est du poulet élevé en
batterie ou en plein air ! Ce serait
donc normal qu'ils sachent aussi
ce qu'ils consomment quand il
s'agit d'huîtres. Cet étiquetage
est une de nos recommandations fortes. La profession veut
reprendre son destin en main
mais j'ai peur qu'elle se tire une
balle dans le pied et je trouverais
ça très dommage car elle participe à la richesse du territoire et
de notre alimentation. Même si
les professionnels ont décidé de
certaines choses par eux-mêmes,
les consommateurs ont le droit
de savoir, de faire leurs achats en
toute connaissance de cause.

Spécialiste d'architecture
d'intérieur durable, Élodie
Martinie-Cousty est aussi
membre du Cese au titre de
la protection de la nature
et de l'environnement.
Elle a été nommée par sa
fédération, France nature
environnement (FNE).

A-t-on vraiment besoin des triploïdes ?
Je ne le crois pas.
Élodie Martinie-Cousty
huître à l'heure du changement
climatique ? Est-ce bien le modèle
vers lequel il faut aller ?
CM. Vous réclamez le passage
de toutes les écloseries en installation classée pour l'environnement (ICPE), celles produisant
des triploïdes mais aussi celles
qui ne font que des diploïdes.
Cela ne risque -t-il pas d'être
trop lourd pour des entreprises
qui sont parfois de toute petite
taille ?

C M . L' h u î t re t r i p l o ï d e e s t
décriée par certains ostréiculteurs mais largement utilisée par
d'autres pour ses différentes propriétés. Êtes-vous hostile à cette
production ?

Le classement en ICPE
est le seul moyen de contrôler
ce qui se passe dans les
écloseries.

ÉMC. A-t-on vraiment besoin
des triploïdes ? Je ne le crois pas.
Les ostréiculteurs nous disent que
les triploïdes ont permis de sauver
les productions (NDLR : à l'arrivée
des surmortalités), qu'elles grossissent plus vite mais aussi qu'elles
sont plus sensibles à la qualité de
l'eau et aux variations climatiques.
Faut-il qu'une majorité de professionnels se tournent vers cette

ÉMC. Ce classement est le seul
moyen de contrôler ce qui se
passe dans les écloseries, pour
savoir comment les huîtres sont
produites, en quelle quantité, vers
quels bassins elles partent. La
question du suivi de ces huîtres
triploïdes est primordiale. Le classement en ICPE doit permettre
d'avoir une garantie de la quantité et de la qualité des huîtres

Cultures MARINES n°308 - juillet-août 2017

produites. La cellule agile que l'on
réclame doit permettre d'aider
les petites entreprises dans leurs
démarches.
CM. Cet avis a été adopté par
le Cese le 13 juin. Quelle suite
donner à tout cela ?
ÉMC. Notre rôle est maintenant
de présenter cet avis dans les instances où il doit être entendu. Le
président de la République a annoncé la tenue d'états généraux
de l'alimentation cet automne.
Nous souhaitons que le volet
aquaculture y soit traité. Ces états
généraux ne doivent pas concerner uniquement des agriculteurs
et des éleveurs en cercle fermé.
Nous avons demandé que les associations environnementales, les
associations de consommateurs
ou encore les syndicats soient
intégrés aux débats.
Propos recueillis par
Marion LARRONDE-LARRETCHE

(1) Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (« Cultures marines »
n° 305).

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