Cultures marines n°312 - 39

gestion

Entreprise

Reprise : quand l'entreprise familiale devient Scop

« C'est une transmission en douceur, explique Annie Castaldo.
Ça me rassure de transmettre
l'entreprise tout en sécurisant le
statut de mes deux repreneurs.
Ils n'ont pas de biens personnels
sur lesquels s'appuyer. Je voulais
leur éviter la précarité. »
À 45 ans, Claude Laget est
« ouvrier ici, depuis 25 ans ! » Khamiss Attarbaoui, 26 ans, est arrivé
il y a quatre ans, pour reprendre
en partie la charge de travail de
l'ancien associé d'Annie, Gilles
Picardy. « On se connaît bien avec
Claude, raconte-il.
C'est lui qui m'a formé avec
Annie. J'ai toujours eu l'idée de
m'installer à mon compte. J'ai
des diplômes, mais comme je
suis né après 1990, je n'ai pas pu
faire la formation continue en
cultures marines. C'est Claude
qui a fait le 280 heures et qui sera
le gérant de la coopérative. »

Peu de coopératives
en conchyliculture
Le projet a démarré il y a près de
18 mois. La transmission couvre la
reprise de neuf tables d'élevage,
du mas sur le domaine public
maritime avec ses outils et avantages (prise d'eau), et du navire.
Annie Castaldo garde trois tables,
ainsi que le mas sur le terrain privé,
dans lequel elle veut continuer
la sensibilisation des groupes,
notamment les plus jeunes. « Je
peux continuer à travailler, et je
reste en partenariat avec Claude
et Khamiss. » Pour elle, la Scop
permet de conserver le bénéfice
de 25 années de salariat pour
Claude Laget.
« Le statut de coopérateur est
plus avantageux, reprend-il. On
paye moins de charges sociales
que si on était patron, et on a
plus de sécurité. » Ainsi, comme le

Hélène Scheffer

Après plus de 30 ans à la
tête de son exploitation
familiale, Annie Castaldo a
décidé de passer le ﬂambeau. Elle accompagne ses
deux salariés dans la reprise
de l'entreprise, qui passe
sous statut coopératif.

Claude Laget et Khamiss Attarbaoui reprennent l'entreprise d'Annie Castaldo sous forme coopérative : un levier pour
être à son compte tout en gardant un statut de salarié.

précise la Confédération générale
des Scop, le dirigeant d'une Scop
« est un salarié comme les autres,
soumis au droit du travail et pouvant bénéficier de la protection
sociale générale en cas de défaillance de l'entreprise ».
Si le système est connu en
agriculture ou dans l'industrie, il
est rare, et parfois flou, en conchyliculture.
Après quelques fausses pistes,
Claude Laget et Khamiss Attarbaoui, qui dépendaient de la MSA
pour les cotisations sociales, ont
finalement créé une SARL agricole,
dont les statuts ont été déposés au
greffe du tribunal de commerce.
Car une Scop, une société coopérative et participative, est en fait
une entreprise commerciale de
type SA ou SARL.
L'union régionale des Scop
a accompagné les deux repreneurs dans l'écriture des statuts
de l'entreprise. Ici, chacun a une
part de 1 500 euros qui en fait
un coopérateur copropriétaire. Ils

exercent « ensemble leur métier,
développent leur outil de travail
et leur savoir-faire en partageant
les risques, les profits, les décisions », rappelle la charte.

16 % du résultat
à mettre en réserve
Comme souvent, la confiance
s'est établie car les nouveaux dirigeants bénéficient d'une histoire
commune. « Les clients nous
connaissent car nous faisons déjà
les marchés, détaille Claude. Et le
banquier d'Annie, qui s'occupe
de l'entreprise, a confiance. »
Contrairement aux sociétés en
nom propre, les revenus de l'entreprise et de ses travailleurs ne sont
pas mélangés. Les statuts des
Scop stipulent qu'au moins 16 %
des résultats sont obligatoirement
affectés aux réserves.
En pratique, c'est souvent plus.
Les deux coopérateurs vont donc
continuer à toucher leurs salaires

tous les mois, tout en veillant à
garder des réserves financières
pour l'entreprise.
Il reste encore quelques questions : que va-t-il se passer si un
nouveau coopérateur doit rentrer
dans l'entreprise ? Quel impact
sur le capital, les prêts, les réserves
financières ? Et si on veut vendre ?
« Une fois qu'on sera lancé, on y
verra plus clair, relativise Khamiss
Attarbaoui. On n'a pas pu avoir
toutes les garanties que l'on pensait, mais on pourra sans doute
avoir des subventions un peu
plus tard. »
Et si le chemin a été plus long
que prévu, pour Annie Castaldo,
qui travaille depuis longtemps sur
la notion de durabilité, « accompagner la transmission en Scop, c'est
l'inverse de se débarrasser d'une
entreprise. C'est au contraire
une forme de respect des gens,
même si cela ne protège pas des
problèmes d'argent ».
Hélène SCHEFFER

Cultures MARINES n°312 - décembre 2017 - janvier 2018

Table des matières de la publication Cultures marines n°312