Cultures marines n°313 - 28

installation / transmission

Dossier

Une balance déficitaire
Il est loin le temps des 3 000 entreprises dans le seul bassin de Marennes - Oléron. Le dernier recensement officiel qui commence déjà à
dater (2012) en comptait 2 864 sur
tout le territoire national, un quart
de moins qu'en 2001. Et l'érosion
se poursuit. Le Poitou-Charentes
accueillerait aujourd'hui 760 entreprises conchylicoles : il y aurait dix
à quinze installations par an pour
environ vingt-cinq à trente cessations d'activité. À l'échelle de la
France, le ministère de l'Agriculture
et de l'Alimentation parle de cinquante à quatre-vingt entreprises
qui disparaissent chaque année
pour trente à cinquante créations,
le compte n'y est donc pas.
Il faut dire que le parcours pour

s'installer est parfois semé d'embûches. Autant la reprise familiale
est régulièrement auréolée de
succès, autant les néo-conchyliculteurs doivent avoir une sacrée
motivation pour y aller.

La ﬁn des dotations
jeunes agriculteurs
Les dossiers administratifs sont
complexes, comme l'illustre le cas
de Sten Brechat (lire ci-dessous). Les
montants des indemnités de transfert atteignent des sommets dans
certaines régions. Les dotations
jeunes agriculteurs auxquelles les
conchyliculteurs pouvaient prétendre jusqu'ici ne sont désormais

plus attribuées dans le domaine
des cultures marines. Tout n'est pas
fait pour pousser les jeunes ou les
moins jeunes à s'installer...
Heureusement, de plus en plus
de personnes et/ou collectivités se
rendent compte de ces difficultés
et les initiatives se multiplient pour
mettre un pied à l'étrier à ceux qui
souhaitent se lancer. Les aides du
Feamp sont à présent opérationnelles et peuvent être un bon coup
de pouce pour démarrer. Les collectivités peuvent aussi apporter
leur grain de sel, comme à travers
des prêts d'honneur pouvant aller
jusqu'à 20 000 euros et qui existent
dans différents départements.
Et il y a encore sans doute de
nouvelles initiatives à mener, en

regardant notamment ce qui se
fait en agriculture. L'exemple de la
couveuse agricole qui offre une
période de transition rassurante
et sécurisante avant l'installation
en est un.
Des interventions qui seront
bien sûr utiles aux jeunes installés,
mais aussi à ceux qui souhaitent
céder leur entreprise dans de
bonnes conditions. Ce qui, là
encore, n'est pas toujours aussi
simple qu'il n'y paraît. L'époque où
les parents qui avaient hérité de
l'exploitation des grands-parents
et qui comptaient la transmettre à
leurs enfants est en partie révolue.
Il faut savoir s'adapter.
Marion LARRONDE-LARRETCHE

Il s'installe mais doit détruire son chantier familial
Le changement d'usage d'un ancien
chantier ostréicole peut être rapidement préjudiciable pour un candidat
à l'installation. Sten Brechat en a fait
l'amère expérience.
Ce juriste de formation basé à Paris
avait souhaité reprendre le chantier
de sa grand-mère, Cécile Cagnard,
situé au lieu-dit de Kerivaud à Locmariaquer, sur le domaine public
maritime (DPM). L'ostréicultrice avait
cessé son activité en 2004 et obtenu
des Affaires maritimes un prolongement gracieux de son autorisation
d'occupation temporaire. À son
décès en 2014, Sten Brechat a souhaité perpétuer la tradition familiale.

Il a entrepris alors une reconversion et
entamé les démarches pour récupérer le chantier. En avril 2017, il a validé
son stage de 280 heures en cultures
marines au lycée d'Étel tout en lançant la SCEA Brechat Cagnard pour
démarrer l'exploitation. Toutefois, on
lui a refusé la possibilité de réinvestir
l'ancien bâtiment ostréicole qui était
devenu selon l'administration, un lieu
de résidence installé sur le DPM et
donc voué à être démoli.
La désillusion est immense pour
Sten Brechat. « On me conteste non
seulement un patrimoine qui me
revient, mais aussi une capacité
professionnelle, pour des raisons

obscures... », s'offusque l'ostréiculteur.

Le CRC reste en retrait
Par deux fois, il a contesté la décision préfectorale devant le tribunal
administratif. Sans obtenir gain
de cause. Si le CNC est monté au
créneau pour le défendre, le CRC
s'est montré plus réservé préférant
selon lui éviter des inimitiés avec
l'autorité publique locale ainsi que
des amalgames, en particulier avec
le dossier épineux qui touche aux
transformations de chantiers en
lieux d'habitation.

« C'est une violation manifeste
de la loi littoral qui prévoit que les
actions de l'État dans ce domaine
doivent assurer la préservation et
le développement des activités
économiques telles que les cultures
marines », rebondit Sten Brechat. Et
de déplorer que Locmariaquer ne
compte plus qu'une douzaine d'entreprises conchylicoles aujourd'hui.
Sans autre possibilité de recours,
l'ostréiculteur a dû assister ces dernières semaines à la destruction du
bâtiment pour un préjudice personnel qu'il évalue à plus d'un million
d'euros. « On vient de mettre fin
brutalement à 130 ans d'histoire
d'un chantier qui a été exploité par
cinq générations d'ostréiculteurs »,
s'indigne le professionnel qui s'est
vu obligé de déposer un permis de
construire pour un nouveau chantier
sur le terrain mitoyen privé classé en
zone ostréicole, même si ce dernier
est dépourvu de bassins et d'accès
aux concessions.
S'estimant victime d'un complot
politique visant à développer la plaisance sur la commune, Sten Brechat
n'a aucune intention de baisser les
bras. Ne serait-ce que pour pérenniser l'héritage de ses aïeux.
Bertrand TARDIVEAU

Sten Brechat a dû renoncer
à reprendre l'ancien chantier
de sa grand-mère.

Cultures MARINES n°313 - février 2018

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