Cultures marines n°314 - 8

grand angle

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Ghislain Mariette/Présidence de la République

Guerre des prix : un premier projet de loi

Emmanuel Macron et Stéphane Travert, lors de leurs vœux adressés au monde agricole, fin janvier, dans le Puy-de-Dôme.

C'était la suite annoncée des
états généraux de l'alimentation. Le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation a
présenté, ﬁn janvier, un projet de loi pour « rééquilibrer
les relations commerciales
dans le secteur agricole ».
Comme convenu, Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture et
de l'Alimentation, a présenté son
projet de loi issu des états généraux
de l'alimentation, en conseil des
ministres le mercredi 31 janvier.
L'objectif du texte : « rééquilibrer
les relations commerciales dans
le secteur agricole » et tendre
vers « une alimentation saine et
durable ».

Déﬁnir un prix à partir
de son coût de production
Le gouvernement s'est fixé trois
grands axes stratégiques : assurer
la souveraineté alimentaire de la
France ; promouvoir des choix alimentaires favorables pour la santé
et respectueux de l'environnement
et réduire les inégalités d'accès
à une alimentation de qualité et
durable. Le projet de loi présenté
fin janvier se veut le premier pilier
de cette politique.
Si la France n'a pas à rougir de
sa production, affirme le gouvernement, cette agriculture « souffre
de la guerre des prix toujours
plus bas ». Le projet de loi cherche
donc à renverser le processus de
construction du prix payé aux

Cultures MARINES n°314 - mars 2018

producteurs, en s'appuyant sur les
coûts de production effectifs.
Le gouvernement estime que
pour faire face à « un secteur de la
distribution toujours plus concentré et confronté au défi du e-commerce », les agriculteurs doivent
se regrouper. Les dispositions
législatives prévoient notamment
de conforter les organisations de
producteurs pour rééquilibrer les
négociations commerciales et de
renforcer les missions des interprofessions.
Pour relancer la création de valeur,
le seuil de revente à perte va être
relevé de 10 % et les promotions
davantage encadrées. Le « une
bourriche achetée, une gratuite »
ne sera plus autorisé. Seule la proportion de deux achetées pour une
offerte sera à l'avenir tolérée. « Ces
mesures seront mises en œuvre
en 2018, en tenant compte de
l'avancement de plans de filière, a
déclaré Édouard Philippe, le Premier
ministre. Nous évaluerons leurs
conséquences durant deux ans,
sur les agriculteurs, les entreprises
de l'agroalimentaire, en particulier
les PME et sur le développement
de nouveaux produits. »
L'article 5 de ce projet de loi
précise que les organisations interprofessionnelles agricoles auront la
possibilité de définir les indicateurs
auxquels pourront se référer les
contrats de vente de produits agricoles. Mais avec quel effet réel sur
les prix ? Philippe Le Gal, le président
du comité régional conchylicole de
Bretagne sud qui a participé aux
ateliers concernant les prix, reste

circonspect. « D'après ce que l'on
a compris, la grande distribution
aura pour obligation de revendre
10 % plus cher que ce qu'elle a
acheté, explique-t-il. Mais c'est elle
qui décide du prix d'achat... Ce
que l'on souhaitait c'est que les prix
de revient fassent force de loi. »

Mieux partager le foncier
I l y a q u e l q u e s a n n é e s, l e s
organisations de producteurs
conchylicoles publiaient des prix
d'orientation en amont de la saison.
Mais la loi réprimande l'entente
illégale. Jusqu'où les agriculteurs et
les conchyliculteurs peuvent-ils aller
pour fixer leurs prix ? L'autorité de la
concurrence a été saisie en janvier
pour clarifier les possibilités d'action
au regard du droit de la concurrence.
Philippe Le Gal reconnaît néanmoins des points positifs dans ce
projet de loi, comme l'encadrement
des promotions, les réflexions sur
l'espace. En effet, le gouvernement
promet, dans les deux ans qui
viennent, de réfléchir à la protection et au partage du foncier et
c'est sans doute une bonne nouvelle pour les aquaculteurs. Mais
dans l'ensemble, le Breton semble
mesuré sur ce texte : « On reste sur
notre fin. Il faut voir comment les
élus vont bouger. »
Le président du Comité national
de la conchyliculture, Philippe Ortin,
paraît plus enthousiaste : « Il y a des
choses à retenir comme la prise en
compte de l'espace, les propositions sur les prix. Dans l'ensemble,
c'est pas mal ! »

Autre initiative qui trouvera forcément écho auprès de certains
conchyliculteurs, la promesse que
l'accompagnement des entreprises candidates à l'exportation
sera renforcé. Le gouvernement
envisage une meilleure coordination des actions entre services de
l'État, entre ceux-ci et les conseils
régionaux dès 2018, et via la mise à
disposition d'un portail d'accès aux
informations utiles aux entreprises
dans les deux années qui viennent.
Le second volet de ce projet de
loi vise quant à lui à « renforcer la
qualité sanitaire, environnementale et nutritionnelle des produits
pour une alimentation saine, de
qualité et durable ». Le but : « Préserver le capital santé de chacun
et le capital environnement de
tous. » Les moyens : réduire la
dépendance de l'agriculture aux
produits phytosanitaires (lire aussi
page 17), améliorer les contrôles
pour la protection de la santé,
pour la protection animale et pour
la sécurité sanitaire des aliments.
Enfin, le gouvernement souhaite
renforcer les pouvoirs de sanction
dans le domaine du bien-être
animal.
Le dernier point de ce texte
intéresse moins la conchyliculture
puisqu'il concerne la restauration
collective publique - qui devra
s'approvisionner avec au moins
50 % de produits issus de l'agriculture biologique, locaux ou sous
signes de qualité d'ici 2022 - et la
lutte contre le gaspillage alimentaire.
Marion LARRONDE-LARRETCHE

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