Cultures marines n°326 - 5

tage en partie le président du
CNC. « La question de la transparence et de la traçabilité est un enjeu
dans toute l'alimentation. Nous n'y
échapperons pas. » Pas question
pour autant d'aller plus vite que
la musique pour Stéphane Angeri,
président du syndicat des écloseurs : « Il ne faut pas se précipiter, il
faut se donner les moyens, humains et
ﬁnanciers, pour faire aboutir ce dossier. » D'autant plus qu'obtenir un
consensus risque d'être acrobatique. « Le plus important est de ne
pas dénigrer un produit », prévient le
patron de Vendée naissain.
OUVERTURE

C'est l'une des raisons pour lesquelles le CNC souhaite être ouvert à tout type de proposition. « Il
ne faudra pas prédéterminer, biaiser
les débats. Chacun devra faire l'effort
de s'ouvrir et d'écouter toutes les propositions. Je ne veux pas préempter les
échanges », détaille Philippe Le gal.
Quitte à regarder ce qu'il se passe
dans d'autres ﬁlières agricoles. Une
posture que partage le président
du syndicat des écloseurs, même
s'il prédit déjà que : « Certaines réunions seront sûrement assez tendues. »
Et pour cause : Huître d'écloserie
versus huître naturelle. Triploïde

versus diploïde. Communication.
Traçabilité. Les enjeux induits par
un étiquetage sont multiples et
complexes. Dans la théorie, différencier les huîtres nées en écloserie et celles en mer ne pose pas de
problème. Dans la réalité, c'est une
autre histoire. Les professionnels
sont nombreux à se fournir à la fois
en captage naturel et en écloserie.
Les marées et tempêtes peuvent
amener des poches à se déplacer.
Sans parler des retours qui se retrouvent mélangés dans la même
poche en bout de course. « À partir
du moment où il y a un étiquetage, qui
passera par un texte de loi, la procédure doit être contrôlable », explique
Stéphane Angeri. Si un professionnel ne peut pas prouver l'origine
exacte de ses huîtres, il risque des
désagréments judiciaires. Sans parler de l'impact sur les consommateurs à qui l'on dit une chose sans
pouvoir le prouver. « D'où l'importance de trouver un étiquetage avec
des exigences réalistes par rapport
aux pratiques, souligne Philippe Le
Gal, si ce n'est pas le cas, l'étiquetage
deviendra une usine à gaz. » Et de
lâcher : « On ne sait pas ce qu'il va
se passer, mais au moins, nous allons
essayer. »
Julie Lallouët-Geffroy

Anne Caillet

INTERNATIONAL 5

Un étiquetage exige une traçabilité à
concilier avec des exigences réalistes.

Le consommateur, de plus en plus vigilant. Un
sondage BVA de juillet 2018 montre que les scandales
sanitaires à répétition poussent deux tiers des Français
à faire évoluer leur alimentation. 92 % des Français
prennent, occasionnellement, en compte la saisonnalité
comme critère d'achat, 90 % celui du made in France
et 85 % l'origine régionale de l'aliment. Une seconde
étude, datée d'octobre 2018 et réalisée par Opinionway,
montre que 86 % des Français souhaitent obtenir plus
d'informations sur les produits qu'ils achètent. En outre,
82 % ont conﬁance dans les petits producteurs, 67 %
dans les signes de qualité (AOP, IGP, STG et AB).

[ Un casse-tête pour l'ensemble de l'agroalimentaire

l'agenda depuis plusieurs années,
l'étiquetage fait ﬁgure de serpent de
mer de par sa complexité et ses implications. Deux angles d'attaque traversent
ce dossier épineux. D'abord afﬁcher les
mots triploïde et diploïde sur les produits
pose un problème de compréhension pour
le consommateur. Le sufﬁxe « oïde » n'est
pas parlant. Presque effrayant. Ensuite
vient l'enjeu du lieu de naissance du naissain : écloserie, captage naturel. Pas facile
d'en garantir une traçabilité simplement
et efﬁcacement pour les professionnels.
Les pistes les plus couramment mises sur la
table sont l'étiquetage huîtres nées en mer,
nées en écloserie, huître naturelle. Mais ce
serait sans compter la labellisation AB sur
les huîtres qui devrait prendre de l'ampleur.
À cela s'ajoutent les signes de qualité qui

doivent être également visibles au premier
coup d'œil. De quoi brouiller un peu plus
les cartes pour l'acheteur.
ET LES ŒUFS ?

S'inspirer des pratiques à l'œuvre dans
d'autres ﬁlières agricoles pourrait donner
du grain à moudre au Comité national de
la conchyliculture. À l'image de l'étiquetage des œufs. Depuis 1999, un numéro
correspondant au mode d'élevage doit
être apposé sur chaque coquille : bio, plein
air, au sol, en cage. L'emballage reste dédié
à la valorisation du produit à travers ses
signes de qualité. Pour les poissons, ce sont
les modes de capture qui sont mentionnés
depuis 2013 dans l'Union européenne.
Sur la mise en œuvre de la traçabilité,
l'enseigne Carrefour utilise depuis mars

dernier la blockchain pour ses produits.
Concrètement, chaque intermédiaire (producteur, transformateur, distributeur) indique
dans une application depuis son téléphone
le numéro des lots, dates, lieux, bâtiments
d'élevage, circuits de distribution, traitements appliqués. En bout de chaîne, sur
l'étiquette du produit ﬁgure un QR Code.
Le consommateur peut le scanner avec
son téléphone et obtenir toutes les informations liées au produit acheté. Carrefour
a inauguré cette démarche avec le poulet
d'Auvergne ﬁlière qualité Carrefour. Huit
autres ﬁlières devraient suivre, comme le
saumon norvégien, ainsi que d'autres distributeurs. Tout l'enjeu est donc de trouver l'étiquetage le plus pertinent pour le
consommateur et le plus adapté pour les
professionnels.

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