Cultures marines n°329 - 24

24 ENVIRONNEMENT
Pollution

Du plastique incrusté dans la roche

Laboratoire Mare de Lisbonne

près les macro et micro-déchets de
plastique, voici le « plasticroûte ».
Le terme a été inventé par des
chercheurs du centre des sciences environnementales et marines, basé à
Lisbonne, au Portugal. Dans une étude
publiée dans la revue Science of the total

environment, ils racontent leur découverte
sur l'île portugaise de Madère. Dans une
de ses baies se trouve du polyéthylène,
un plastique très courant, incrusté dans
la roche, d'une épaisseur moyenne de
0,77 millimètre, très difﬁcile à décrocher.
10 % de la zone est touchée.
Observé en 2016, le phénomène a
poussé l'équipe de chercheurs à lancer
des investigations plus approfondies.
Selon eux, des macro-déchets de plastique se seraient fragmentés au contact
de la roche volcanique de l'île. Couplé à
un fort ensoleillement, c'est ce qui expliquerait la formation de cette couverture
rocheuse aux couleurs détonantes.
Déjà en 2014, des roches d'un aspect
similaire avaient été repérées sur les
plages d'Hawaï mais il s'agissait d'une
réaction thermique, après des feux de
camp par exemple, qui aurait lié plastique fondu et sédiments naturels. « Nous
sommes convaincus que ce phénomène ne

Le « plasticroûte » visible sur les roches
d'une des baies de Madère, au Portugal.

Climat

Les terres sous pression

e groupe d'experts intergouvernemental
sur l'évolution du climat, le Giec, a rendu
début août son 2e rapport spécial, cette
fois dédié aux sols, aux liens entre désertiﬁcation, dégradation des terres, sécurité alimentaire et changement climatique. Agriculture,
sylviculture et les autres activités liées à l'utilisation des sols représentent 23 % des émissions de gaz à effet de serre, sur la période
2007-2016.
Les trois quarts des sols émergés, libres de
glace, sont exploités dont un quart est considéré comme dégradé.
Les terres les plus vulnérables se situent
sur le littoral, soumises à l'érosion côtière et
à la montée du niveau de la mer. Le rapport
souligne : « Le changement climatique exacerbe la
dégradation des terres, notamment dans les zones
côtières de faible altitude, les deltas ﬂuviaux, les
zones désertiques et les zones de permafrost. »
Cultures marines n°329 Septembre 2019

Le document d'un millier de pages, rédigé par une centaine d'experts, estime qu'un
changement dans les habitudes de consommation et de production alimentaires est un
levier important. Il préconise : « Des régimes
équilibrés reposant sur des aliments à base de végétaux, les légumineuses, les fruits et légumes, les fruits
à coque et les graines, et des aliments d'origine animale produits dans des systèmes résilients, durables
et à faibles émissions de gaz à effet de serre. »
Ce rapport du Giec s'inscrit dans la préparation de la prochaine conférence sur le
changement climatique qui aura lieu au Chili
en décembre prochain. Cette Cop 25 a pour
objectif de déterminer les moyens à mettre
en œuvre pour appliquer les accords de Paris
signés en décembre 2015. D'ici là, en septembre, le Giec publiera son 3e rapport spécial qui sera consacré aux océans.
J. L.-G.

concerne pas seulement Madère et qu'il sera
très probablement bientôt rapporté dans
d'autres régions du monde, avance le biologiste marin Ignacio Gestoso García auprès de CNN. Cependant, pour le moment,
le plasticroûte reste conﬁné à un site particulier de l'île, nous allons donc effectuer de
nouveaux tests aﬁn de quantiﬁer plus précisément le phénomène. »
INVERTÉBRÉS

Le risque de contamination de la chaîne
alimentaire est quant à lui considéré
comme minime. « Le risque de transfert
dans la chaîne alimentaire est limité car, à
chaque étape, une population qui va ingérer
du plastique, même à travers une proie, va
l'excréter », tempère le biologiste marin
de l'Ifremer François Galgani, dans une
déclaration au Monde.
Néanmoins, les chercheurs souhaitent
approfondir cet aspect. « Les futures
études devraient évaluer si les invertébrés
marins cohabitant dans cet habitat peuvent
assimiler des plastiques, et si tel est le cas, si
ces plastiques peuvent avoir des implications
pour la santé de ces animaux », a déclaré le
biologiste.
Julie Lallouët-Geffroy

« Le Cambodge n'est pas une
poubelle. » C'est ce qu'a afﬁrmé le porteparole du ministère de l'Environnement
cambodgien en renvoyant 1 600 tonnes
de déchets de plastique vers les États-Unis
et le Canada. En 2018, la Chine avait cessé
l'importation de déchets en plastique,
imposant aux marchés de se réorienter, en
l'occurrence vers l'Asie du Sud-Est.
L'Indonésie renvoie à la France ses
déchets. Fin juillet, deux conteneurs de
déchets ménagers ou dangereux ont été
renvoyés vers la France, cinq vers Hong Kong.
Motif : ils ont été importés illégalement.
Même scénario en Malaisie avec le retour
à l'expéditeur de 450 tonnes de déchets
contaminés. Idem avec les Philippines
qui ont réexpédié 69 conteneurs vers le
Canada et le Sri Lanka avec 111 conteneurs
repartis en Grande-Bretagne en juillet. Pour
cause de mauvais étiquetages, des déchets
destinés au recyclage, se révèlent être des
déchets dangereux. D'où le ras-le-bol de la
région asiatique.

Cultures marines n°329

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