Cultures marines n°329 - 39

Mathias
AFPHuber/Ifremer

de l'huître plate aﬁn de mieux faire
connaître ce produit de la mer.
L'enjeu est d'importance pour la
profession car le retour d'une exploitation de la plate permettrait,
pour certains, de sortir du schéma de monoculture généralement
adopté en conchyliculture. C'est
pour cette raison que le CRC de
Bretagne sud porte le projet Forever
(Flat oyster recovery) depuis 2016
en partenariat avec l'Ifremer, le CRC
de Bretagne nord et l'École supérieure d'ingénieurs des travaux de la
construction (Esitc).
DÉCLIC

« C'est formidable que ce projet soit
porté par la profession, s'enthousiasme Stéphane Pouvreau, chercheur au laboratoire des sciences
de l'environnement marin (Lemar),
à la station de l'Ifremer d'Argenton,
dans le Finistère. Il n'y avait plus de
recrutement, plus de naissain non plus...
Il y a eu une vraie prise de conscience
de la part des derniers producteurs
d'huîtres plates. »
Concrètement, le projet Forever
se décline en trois actions distinctes.
La première concerne l'inventaire
des derniers bancs naturels d'huîtres
plates en Bretagne. « Où ils se
trouvent, quel est leur état, leur volume...
Il nous faut encore un an et demi avant
d'avoir une bonne idée de la situation. »
Tout en restant discrets car les gisements identiﬁés font parfois l'objet
de braconnage.
La seconde action vise à mieux
comprendre la dynamique d'un
banc pour en comprendre les causes
de disparition. « L'huître plate a trois
prédateurs : la dorade royale, le bigorneau perceur qui exerce une vraie

1 500 TONNES
C'est la production d'huîtres
plates en France en 2018, ce qui
représente à peine 2 % du volume des huîtres creuses hexagonales. Côté consommation, les
derniers chiffres datent de 2013
et font état de 2 000 tonnes.
Mais c'était avant la chute drastique de la production et la
quasi-disparition du produit des
étals.

pression sur les bancs, et les crustacés,
plus à la marge. » Enﬁn, le troisième
volet touche à la restauration des
bancs naturels. « Une action qui passe
aussi par la sensibilisation du public,
qui a du mal à faire la différence entre
plates et creuses, à cette espèce listée
par la convention Ospar comme étant
en danger. »
Étudiée sous l'aspect économique
et sous celui de la biodiversité, cette
troisième action s'est concrétisée
ﬁn juin par l'immersion de neuf ré-

Une partie
des huîtres est
immergée dans
les zones où les
prédateurs sont
nombreux.

cifs artiﬁciels en rade de Brest et en
baie de Quiberon. Fruit d'un an de
travail pour les ingénieurs de l'Esitc,
ils sont constitués de « béton calcaire fait à partir de coquilles d'huîtres
creuses concassées, une poudre très proﬁtable à la plate ». Quant à la forme
cylindro-conique des récifs, elle a
été mise au point avec le concours
des ostréiculteurs de la baie de
Quiberon. Sans doute très inspirés
par leurs coupelles chaulées.
Bruno Saussier

[ Une réintroduction européenne

euf programmes de réintroduction de
l'huître plate sont actuellement menés
en Europe. Les chercheurs ont montré l'intérêt de rétablir l'huître plate dans le milieu
en particulier au niveau environnemental.
Les bancs d'huîtres remplissent une fonction similaire à celle des coraux : un habitat
qui permet à d'autres espèces de se développer. Sans parler de l'amélioration de la
qualité des eaux grâce aux capacités de ﬁltration du bivalve.
RESTAURER

La directive européenne sur les habitats de
2008, couplée avec la commission OsloParis de 2010, oblige à la restauration des
habitats marins. Les neuf programmes en
question se déroulent au Royaume-Uni, en
France à Brest et Quiberon, aux Pays-Bas et
en Allemagne. Mais chacun d'eux est conçu
séparément.

Pour éviter un cloisonnement trop fort,
la Native oyster restoration alliance vient de
publier dans la revue Aquatic living resources
une liste de recommandations pour une réintroduction réussie. Cette organisation a été
créée en 2017 à Berlin et réunit 65 experts
représentant dix pays. Elle préconise de tirer
parti des expériences menées aux États-Unis
et en Australie pour établir un protocole commun, clef de voûte de ses recommandations.
L'organisation détaille ensuite différentes
préconisations. Tout commence, selon elle,
par une bonne connaissance du terrain, à
laquelle s'ajoute une sélection efﬁcace des
géniteurs, tout en s'assurant de préserver une
diversité génétique sufﬁsante. Les zones d'implantation devront également être exemptes
de la présence du parasite Bonamia, responsable en grande partie de la disparition de
l'espèce.
Julie Lallouët-Geffroy

Cultures marines n°329

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