Cultures marines n°330 - 29

SCIENCES 29
Moule

Des bienfaits immunitaires et écologiques

e 3e symposium international sur les
recherches concernant les moules
marines (AMMR 2019) s'est tenu à
Chioggia en Italie, du 26 au 28 août. La
quarantaine de scientiﬁques en provenance de douze pays a échangé sur les derniers points d'actualité : Vibrio splendidus,
cancers transmissibles.
L'adaptation de la moule à l'environnement a aussi été très discutée. Chocs thermiques, exposition aux microplastiques,
produits chimiques (glyphosate), microparticules, perturbateurs endocriniens, ou
l'acidiﬁcation des eaux, plusieurs expérimentations internationales ont testé sa
résistance.
« Les moules meurent rarement », résume
Nicolas Bierne, spécialiste en génétique
à l'Institut des sciences de l'évolution de
Montpellier, un des deux Français présents

au symposium. « Cette mise en condition de
stress permet d'identiﬁer les molécules impliquées dans la réponse immunitaire. » Ces stratégies de défense immunitaire pourraient
servir l'homme. Ainsi, la molécule PL3,
extraite des gonades mâles, semble intéressante pour lutter contre les tumeurs.
D'autres molécules agissent comme
des antiviraux, ou dans la résistance aux
antibiotiques.
BYSSUS
La moule marine a de très nombreuses
qualités. « Son génome est très étendu, très
complexe, détaille Nicolas Bierne. Après
l'homme, la souris ou la drosophile, c'est l'espèce qui suscite le plus de recherches, avec près
de 7 000 publications par an. »
En Asie, on espère percer le mystère
des propriétés de la colle et de l'élasticité

du byssus pour créer des colles dentaires.
Aux Pays-Bas, on évalue ses apports écologiques. Le professeur Aad Smaal, de
l'université de Wageningen (Yerseke), a
ainsi décliné les apports de la mytiliculture : source de protéines animales non
polluante, contrairement à celles issues
des élevages bovins, ou bilan carbone intéressant qui participe à l'absorption du CO2
atmosphérique.
Dans son ouvrage, Goods and services of
marine bivalves (gratuit sur internet), Aad
Smaal estime que plutôt que de soutenir
le développement du tourisme, qui engendre de multiples impacts négatifs sur le
littoral, les politiques publiques devraient
aider la mytiliculture. Et l'auteur d'inciter
à travailler les améliorations génétiques
pour une aquaculture plus performante.
Hélène Scheffer

Pollution

Des traces de médicaments dans les saint-jacques

Erwan Amice

n analysant les coquilles des SaintJacques de la rade de Brest, des
chercheurs de l'Institut universitaire
européen de la mer de Brest y ont trouvé
des traces de gadolinium. Une terre rare
utilisée comme substance de contraste
pour réaliser les IRM médicales. « Si on
en trouve, il est évident que d'autres traces
médicamenteuses sont également présentes

Les analses ont été faites
sur des saint-jacques de la rade de Brest.

dans le milieu », explique Jean-Alix Barrat,
géologue et auteur d'une étude publiée
dans Scientiﬁc reports en mai dernier.
Potentiellement, chercher des traces
de gadolinium pourrait donner une indication sur la pollution médicale en général, qu'il s'agisse de résidus de médicaments ou d'hormones que les habitants
expulsent via leurs urines. Un marqueur

d'autant plus intéressant qu'il est stable
et résiste aux traitements des stations
d'épuration. Le chercheur estime que
trois tonnes de gadolinium sont rejetées chaque année sur le littoral français,
potentiellement 200 tonnes à travers le
monde.
MARQUEUR
Avant une IRM, le patient reçoit une injection qu'il expulsera ensuite dans ses urines.
Les stations d'épuration n'étant pas en
mesure de traiter cette substance, elle se
retrouve dans la mer. « Nous avons repéré des
excès de gadolinium dans les saint-jacques mais
aussi dans les huîtres, les moules », raconte le
géologue.
« On ne connaît pas l'impact de cette
pollution sur le milieu marin », précise-t-il.
Cependant, une étude montre des anomalies de croissance dans les larves d'oursins fortement exposées à cette substance.
D'autres révèlent des traces de gadolinium
dans des foies de poissons, dans des moules
au Japon ou en mer du Nord. Des travaux
vont se pencher sur son impact sur la chair
des coquillages mais aussi sur le transfert de
ce métal au sein des chaînes trophiques et
donc in ﬁne dans la chaîne alimentaire.
Julie Lallouët-Geffroy
Cultures marines n°330 Octobre 2019

Cultures marines n°330

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