Cultures marines n°334 - 33

DOSSIER 33

Écloseries
Diversification

Le ﬂop des Portugaises
Les écloseurs tentent d'être au diapason des professionnels qui évoquent l'intérêt
de diversifier leur production. Mais ça ne fonctionne pas toujours. Histoires de couacs.
personne n'est intéressé. Aucun producteur
d'huîtres en claires ne m'a pris ne serait-ce que
1 000 naissains pour essayer. »
LISBONNE
À vrai dire, un ostréiculteur charentaismaritime a (brièvement) tenté l'expérience,
sur l'île de Ré, avant de revendre son lot en
Méditerranée. Éric Marissal évoque une
« incompréhension » sachant que l'angulata
pousse moins vite et dépasse rarement
les 250 grammes. Plutôt que de vouloir
concurrencer la Japonaise, lui imaginait
une piste de diversiﬁcation à la manière
des huîtres plates. « Mais l'ostréiculture est un
métier encore très traditionnel, je ne comprends
pas ce manque d'enthousiasme. Même moi ça
me passionne de les mettre en claires pour voir
ce que cela donne... », ajoute-t-il.
Un destin décevant pour ces premiers
naissains d'angulata lancés à l'origine pour
repeupler un estuaire près de Lisbonne, au
Portugal. Les premières triploïdes ont été
commercialisées l'année dernière, mais
Éric Marissal explique avoir relâché les

Grainocéan

lle a fait le lustre du bassin
Marennes - Oléron pendant plus
d'un siècle, avant d'être décimée par
l'épizootie de 1967. C'est dire la ﬁerté
d'Éric Marrisal (Grainocéan), en 2016, annonçant le retour de l'huître oubliée angulata. « J'étais très enthousiaste pour l'expérience,
d'autant plus qu'il y avait très peu de mortalités,
mais il faut bien dire que cela n'intéresse pas
grand monde », regrette l'écloseur rétais. Au
ﬁnal, la montagne a accouché d'une souris.
Alors que certains prédisaient une
petite révolution dans le monde ostréicole, Grainocéan ne compte à ce jour
qu'une petite poignée de clients. Aucun
au nord de la Loire, là où la température
de l'eau n'est pas optimale pour la croissance de cette espèce, quelques-uns en
Méditerranée, mais pas un seul dans son
« berceau historique de Marennes - Oléron »,
dixit Éric Marissal. « On leur amène le produit
qui en a fait le bassin le plus connu au monde,
avec des résultats exceptionnels d'engraissement
dans les claires, la possibilité de retrouver ce
que faisaient leurs arrière-grands-parents, et

Les naissains d'angulata, ici au stade adulte, n'ont
pas trouvé leur public.

efforts commerciaux. « Je suis très satisfait
d'avoir relancé l'espèce, personne d'autre n'a
encore réussi à les reproduire. Nous avons ce
patrimoine entre les mains, nous verrons ce qu'il
se passera à l'avenir... », reprend-il. Un regain
d'intérêt est encore espéré.
David Labardin

[ Le pétoncle noir à la peine

Bruno Saussier

ancée en 2015 par la Ferme marine de
l'île d'Arun, la production de pétoncle
noir peine à séduire les conchyliculteurs
pour le moment. C'est le délicat constat
dressé par Mathieu Hussenot et Mickaël

Les premiers pétoncles vendus atteindront
leur taille marchande cet été.

Coquil qui ont démarré, voici bientôt cinq
ans, la production de naissains d'huîtres
plates et de pétoncles noirs. « Nous avons
commencé à produire il y a cinq ans, c'est vrai,
mais il a fallu deux bonnes années pour mettre
au point notre méthode, souligne Mathieu
Hussenot. De fait, notre première production
de pétoncles noirs a été commercialisée en automne 2018. »
Est-ce le manque de recul, la trop récente
implantation « hors sol » de ce coquillage
pourtant endogène ou bien la méconnaissance de cette nouvelle ﬁlière potentielle
qui refroidit les professionnels ? Peut-être
un peu des trois. « J'ai énormément de mal
à commercialiser le pétoncle noir », reconnaît
Mathieu Hussenot. Qui pointe un paradoxe : « La diversiﬁcation des cultures est ancrée dans les discours, mais sur le terrain ça ne
prend pas. Nous avons beaucoup de difﬁcultés

à lancer les ostréiculteurs sur cette espèce, ne
serait-ce que pour un test. »
ÉTÉ
Le co-directeur de la Ferme marine de l'île
d'Arun mise sur deux atouts cette année.
« Les premiers pétoncles que nous avons vendus
en 2018 n'arriveront sur le marché que cet été.
Personne n'a encore jamais démontré qu'on pouvait arriver à un produit à taille marchande. »
C'est donc sur ce fameux démonstrateur grandeur nature, qui lui faisait défaut
jusque-là, que repose le succès de la ﬁlière
pour l'écloserie d'Hanvec. Mais pas seulement. Convaincu que les ostréiculteurs
ont du mal à trouver du temps « au-delà
de six mois » à consacrer au pétoncle noir,
Mathieu Hussenot envisage de proposer
désormais du demi-élevage à la vente.
Bruno Saussier
Cultures marines n°334 Mars 2020

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