Cultures marines n°334 - 45

DÉCRYPTAGE 45

Valorisation

Sécher les algues ﬁxées aux poches
Très utilisée en Asie, Porphyra umbilicalis est également présente sur les poches
ostréicoles du bassin Marennes - Oléron. Le Creaa travaille sur un projet de valorisation.

ingt ans après les crevettes impériales, le Creaa
du
Château - d'Oléron
planche sur un autre projet de diversiﬁcation en direction
des ostréiculteurs. Cette fois, les
recherches portent sur les algues
accrochées aux poches ostréicoles,
plus précisément sur l'algue rouge
Porphyra umbilicalis, très prisée en
Asie. Une fois séchée et grillée, elle
est transformée en feuilles de noris.
Des feuilles que l'on connaît bien
sur les makis japonais. La valorisation de ces algues rouges alimentaires, envisagée d'ici trois à quatre
ans, serait une première en France.
En 2017, l'initiative de ce programme est partie du département avec la volonté de développer une ﬁlière sous-exploitée
jusque-là. Bien loin de la Bretagne,
en pointe au niveau des algues, la
Charente-Maritime ne compte que
deux entreprises sur ce marché :
Les Algues de l'île de Ré pour une
vente en circuit court et la Ferme
marine du Douhet en activité annexe pour l'alimentaire, la cosmétique et la pharmacologie. D'où
la volonté de monter rapidement
en régime. « Nous ne sommes pas
un territoire qui offre des quantités
phénoménales d'algues, mais ce qui
saute aux yeux, c'est la quantité d'algues non utilisées sur les poches ostréicoles », explique le biologiste marin
Cédric Hennache, responsable du
programme.
Un temps évoquée, la piste de
l'algue verte Ulva intestinalis, utilisée comme condiment en Asie
sous le nom Aonori, mais difﬁcile à
valoriser à cause de la profusion de
naissains de moules, a ﬁnalement
été écartée. Les efforts se sont
donc concentrés sur l'algue rouge.
Après la venue d'un stagiaire
de l'université de Lille en 2018,
le Creaa a lancé les grandes
manœuvres l'année dernière en

SOUS-EXPLOITÉE

disposant des capteurs ensemencés naturellement sur plusieurs
sites pour évaluer les performances
de croissance. Exit les marais (trop
de vases), les ﬁlières en pleine mer
(trop de biosalissures), les meilleurs résultats ont été enregistrés
sur l'estran avec des quantités atteignant jusqu'à 1,4 kg par poche,
soit environ 140 g de produit ﬁni
après séchage.
Déjà, une pré-étude de marché
menée avec le Critt agro-alimentaire de La Rochelle a permis d'évaluer le prix de vente de la Porphyra.
Soit 25 à 30 euros
L'IDÉE CONSISTE le kilo sous forme
À VALORISER UN
de paillettes et de
PRODUIT QUI
poudre, voire 65 euros
EST JETÉ PAR LES
le kilo pour des feuilles
OSTRÉICULTEURS. » de nori déshydratées,
même s'il sera difﬁcile
de concurrencer les producteurs
asiatiques sur ce créneau. Les
débouchés concernent plutôt la
confection de rillettes, de soupes,
de plats cuisinés asiatiques, ainsi que
différentes préparations aux algues
(beurre, pâtes ou moutarde...).
La Creaa a rencensé
jusqu'à 1,4 kg
d'algues par poche.

Trois ans après le début du programme, plusieurs questions restent
toutefois en suspens. Les ostréiculteurs devront-ils eux-mêmes récolter
ces algues pour les céder à un transformateur ? Ce dernier pourrait-il
venir directement les ramasser sur
les parcs, à condition que cela soit
possible réglementairement ? La démarche ne serait-elle pas trop contraignante pour les ostréiculteurs ?
RÉFÉRENTIEL

« L'idée consiste à valoriser un
produit qui est aujourd'hui jeté par
les ostréiculteurs, il faut trouver une
manière de les valoriser sans que cela
modiﬁe trop leurs pratiques culturales »,
précise Cédric Hennache. En parallèle, le Creaa s'apprête à lancer un
essai de culture à micro-échelle sur
l'estran en partenariat avec les deux
producteurs d'algues de CharenteMaritime. Un référentiel technique
sera conﬁé aux ostréiculteurs intéressés à la ﬁn de la démarche, à la
manière des crevettes dans les années 2000.
David Labardin

Cultures marines n°334 Mars 2020

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