Cultures marines n°335 - 4

4 ÉVÉNEMENT

Coronavirus

La double peine
Alors que les entreprises conchylicoles n'avaient pas encore eu
le temps de se remettre de l'épisode difficile du norovirus, l'épidémie
de coronavirus a eu des répercussions immédiates et importantes
sur la filière dès le mois de janvier.

e n'ai jamais vu autant d'emmerdes compte-gouttes et de nombreux
en si peu de temps », résume un professionnels craignent un effonprofessionnel. La ﬁlière conchy- drement des cours. « Les gens achètent
licole a déjà été fortement se- plutôt des pâtes que des huîtres », découée par l'épisode du norovirus en crit Philippe Le Gal, le président du
ﬁn d'année 2019 et début 2020, le Comité national de la conchyliculmarché des huîtres était loin d'être ture. « Même si c'est une petite période
revenu à la normale que le coro- d'expédition, cela va avoir de grosses
navirus a pointé le bout de son nez conséquences sur la suite », s'inquiète
et, en quelques semaines, ébranlé le Stéphan Alleaume.
monde entier. « Les deux crises cumulées, c'est une catastrophe », constate AURAY
Stéphan Alleaume, cogérant des Le Morbihan a été la première réParcs Saint-Kerber.
gion conchylicole à enregistrer des
En effet, tous les pays n'avaient cas de coronavirus sur son territoire,
pas encore rouvert leurs frontières appelant les autorités à engager prémi-janvier aux coquillages français cocement des mesures drastiques
que les exportations d'huîtres vers la de conﬁnement. Allant à l'encontre
Chine, atteinte par le nouveau coro- d'une fermeture administrative des
navirus Covid-19, étaient interdites. halles d'Auray prévue initialement
La France a envoyé 1 740 tonnes jusqu'au 14 mars, les commerçants
d'huîtres vers la Chine en 2018 ont rouvert leur étal le vendredi
pour un montant de
6 mars. « On trouvait
16,6 millions d'euros, ce
injuste d'être fermés
L'ITALIE
qui représente 14 % des
alors que les grandes
ET LA CHINE
exportations françaises
restaient ouREPRÉSENTENT surfaces
d'huîtres. « Les gens sont
vertes »,
explique
45 % DES
en quarantaine alors que
Renan Henry, osEXPORTATIONS tréiculteur basé à
les hôtels et les restaurants
D'HUÎTRES.
sont nos clients, pointe
Crac'h. Un coup
Stéphan Alleaume, qui
d'éclat qui repréréalise 90 % de son chiffre d'affaires sente néanmoins une bien maigre
à l'export. Les pertes sont importantes. » consolation. « L'incidence du coronaDeuxième pays très fortement tou- virus sur la consommation des coquilché par l'épidémie de coronavirus, lages est considérable, reprend William
l'Italie est la première destination Daval, le nouveau directeur du codes huîtres françaises : 3 840 tonnes mité régional conchylicole (CRC) de
en 2018 (un tiers des exportations) Bretagne sud [lire aussi page 15]. Les
pour une valeur de 20 millions d'eu- ventes de produits frais souffrent, tant
ros (21 %). Et la période de Pâques en France où les restaurants ont baissé
qui s'approche à grands pas est, en le rideau qu'à l'étranger où les barrières
temps normal, un enjeu touristique frontalières ont été rétablies. »
majeur pour le pays.
L'établissement Roumégous, à
Si les entreprises qui expédient Bourcefranc-Le Chapus, a placé dès
à l'étranger ont été les premières la mi-mars 20 de ses 35 salariés en
touchées par la crise du coronavirus chômage partiel. « Au point où nous
- l'export d'huîtres représentait, en sommes, j'ai même peur d'incidents
en 2016, 11 % de la production na- de paiement émanant de poissonniers
tionale -, l'affolement est à présent ou de grossistes italiens », s'inquiète
général. Les commandes arrivent au Caroline Roumégous. « Nous avons eu

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Cultures marines  n°335  Avril 2020

Face à des mesures
de conﬁnement
sans précédent
pour lutter contre
la pandémie,
la consommation
de coquillages
est en berne.

des problèmes de volumes en 2008 mais
le commerce continuait, ajoute l'ostréiculteur casteloléronais Cyril Pain.
Cette fois, on parle de pertes sèches, il n'y
a plus de rentrées d'argent. » Après l'arrêt de ses marchés en Auvergne, trop
peu rentables en ce moment, lui aussi
commence à avoir recours à du chômage partiel. Installé à BourcefrancLe Chapus, Nicolas Mureau tente de
faire le dos rond : « Nous continuons
les marchés pour maintenir les salaires,
pour faire rentrer de la trésorerie, mais les
chiffres sont dérisoires. »
Déjà faibles, les rentrées d'argent
vont encore se réduire : les règles
se sont durcies le 24 mars, avec l'interdiction des marchés ouverts. Sur
conseil des maires, les préfectures
pourront cependant émettre des
dérogations pour les quartiers ou les
communes dans lesquels ce mode de
distribution représente le lieu principal d'approvisionnement alimentaire.
« Quand le secteur de la restauration a
fermé, le 14 mars, nous avons correctement travaillé sur nos marchés parisiens ce

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