Cultures marines n°336 - 23

ENVIRONNEMENT
SCIENCES 23

Écloseries

Des probiotiques contre les mortalités
La recherche se penche sur l'alternative aux antibiotiques,
que ce soit avec des probiotiques ou des phages.

BIOFILM
Le laboratoire de Quimper a donc prélevé des animaux sauvages (bars, dorades
royales mais également huîtres plates,
creuses, moules, palourdes, coquilles
Saint-Jacques, ormeaux et holothuries)
sur la zone Natura 2000 de l'archipel
des Glénan pour en extraire des bactéries présentes dans leurs hémolymphes.
« Nous ne voulions pas une bactérie de surface, nous souhaitions qu'elle vienne de l'organisme, en interne. »
Déposées sur des boîtes de Petri, les
bactéries sont alors cultivées en laboratoire par la dizaine de chercheurs travail-

Yannick Fleury
(à droite) dans
le laboratoire de
biotechnologie et
chimie marine de
l'université.

lant sur ce projet. En dix ans, une collection de 300 souches de bactéries a pu
être constituée et les scientiﬁques se sont
particulièrement concentrés sur le genre
Vibrio pseudoalteromonas. « Nous avons identiﬁé une demi-douzaine de bactéries très actives
sur les pathogènes dont l'une, issue des huîtres
creuses et plates, est un antibioﬁlm qui peut intéresser les éleveurs car elle leur permet d'avoir
des eaux propres », poursuit Yannick Fleury.

e 3 mars, le laboratoire de biotechnologie et chimie marine (LBCM),
l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), le comité
régional conchylicole de Bretagne nord et
la société Seanova ont lancé ofﬁciellement
le projet Paqman. Comprendre : développement de Probiotiques innovants pour
l'AQuaculture MariNe. « Nous travaillons
sur la théorie de l'hologénome qui considère
l'hôte et les bactéries associées comme un super-organisme, explique Yannick Fleury, le
directeur adjoint du LBCM à l'université
de Bretagne occidentale. Le génome de ce
super-organisme peut exercer une barrière face
aux bactéries pathogènes. »

Destinées aux écloseries uniquement (et en pisciculture via un conditionnement en granule par l'entreprise
Seanova), ces bactéries ont pour fonction
de diminuer les mortalités de façon signiﬁcatives tout en sécurisant et en garantissant la production. Le budget global du
projet Paqman, éligible au Feamp, est de
871 000 euros.
Bruno Saussier

[ Des phages contre l'antibiorésistance

es phages sont des prédateurs naturels des bactéries et pourraient être
une alternative possible aux antibiotiques.
Délaissés une bonne partie du XXe siècle
au proﬁt de ces derniers, ils connaissent
un regain d'intérêt depuis le début des années 2000 et l'émergence de la résistance
voire de la multirésistance des bactéries.
Frédérique Le Roux, directrice de recherche
à l'Ifremer, vient ainsi de recevoir une bourse
de 2,5 millions d'euros pour approfondir
l'étude des phages dans le milieu marin.
La résistance aux antibiotiques est responsable de « 700 000 morts par an dans

le monde », rappelle-t-elle. Face à cette impasse thérapeutique, deux stratégies : économiser au maximum des antibiotiques
déjà existants, en médecine mais aussi en
agroalimentaire insiste la chercheuse, et
trouver d'autres molécules ou organismes
pour lutter contre les bactéries.
VIBRIOS
L'objet de son travail va donc être de se
pencher sur les vibrios qui malmènent parfois les élevages de crevettes, poissons ou
mollusques. « Nous allons observer ce qui se
passe dans l'environnement, voir comment se

font les équilibres et chercher à comprendre la
spéciﬁcité des phages. » Dans un deuxième
temps, la chercheuse Frédérique Le Roux
et son équipe vont s'intéresser aux infections, observer comment les bactéries
développent des résistances, par quel mécanisme, et de quelle manière le phage
contre-attaque. « C'est un projet de recherche
très amont », souligne Frédérique Le Roux
qui espère néanmoins que cette étude permettra, à terme, d'envisager l'utilisation
des phages comme alternative aux antibiotiques dans les élevages aquacoles.
Marion Larronde-Larretche

Cultures marines  n°336  Mai 2020

Cultures marines n°336

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