Cultures marines n°337 - 29

DOSSIER 29

Charente-Maritime
Mytiliculture

Le gros coup de blues
Les années de mortalités s'enchaînent et sapent le moral
des professionnels. Un climat pesant.

David Labardin

énonçant les atteintes à la qualité de l'eau, ils avaient initié
une impressionnante vague de
colère en 2014, entre blocage
des ports et barricades devant la préfecture. Les mytiliculteurs perdaient la quasi-totalité de leur cheptel cette année-là,
mais le problème reste plus que jamais
d'actualité. « La colère a laissé la place à de
la résignation, les collègues sont désabusés,
Les années noires
démotivés, même les anciens bien établis. On
se succèdent
depuis 2014 pour
se demande si ça sert encore à quelque chose
les mytiliculteurs.
de continuer », alerte Benoît Durivaud
(Charron), vice-président moules du CRC
de Charente-Maritime.
Après cette première vague de morBien sûr, plusieurs leviers d'aides ont été
talités aussi soudaine qu'inattendue, les activés depuis 2014 et les professionnels
mytiliculteurs ont à nouveau enregistré attendent beaucoup du Feamp pour les
de lourdes pertes en 2016, puis rebelote aider à sortir la tête de l'eau cette année
encore cette année. Cette fois, le chep- (mesures 55 et 56-1-F). Les services de
tel est décimé à plus de
l'État sont attendus sur le
60 % dans le pertuis « C'EST COMME SI
terrain pour venir constaBreton contre seulement ON VOUS ENLEVAIT
ter les pertes. N'empêche,
10 % dans la baie d'Yves 10 % DE VOTRE SALAIRE
beaucoup se posent auet sur l'île d'Oléron. Un TOUS LES ANS. »
jourd'hui la question de
moindre mal ? « C'est
l'avenir dans la profescomme si on vous enlevait 10 % de votre sa- sion, à l'image des ostréiculteurs en 2008.
laire tous les ans, c'est dramatique, d'autant « Quand on travaille à perte, le métier devient
plus que cela correspond à la marge des en- deux fois plus pénible. On bosse comme des fous
treprises », rétorque Benoît Durivaud. Sale pendant onze mois et on se prend une tôle le
temps dans la profession.
mois qui précède la récolte, c'est déprimant »,

lâche le représentant professionnel.
Des mortalités toujours sans explication
claire, Benoît Durivaud évoque pêle-mêle
le plancton qui ne serait plus adapté aux
coquillages, des apports d'eau douce trop
faibles, la conséquence du réchauffement
climatique ou alors l'émergence de nouvelles bactéries. Le dragage des ports fait
aussi partie des sujets récurrents ces dernières années. Seule certitude : les trois
années noires ont toutes succédé à un
hiver doux et pluvieux. « Le moral n'est pas
brillant, nous sommes sur un ﬁl, il en va de la
survie du troisième bassin de production français », ajoute-t-il, avec sa mine des mauvais
jours.

[ Ces annulations qui risquent de plomber la saison

D. L.

L'annulation des festivités cet été
pourrait plomber la consommation
de moules.

es moules-frites sont un incontournable
des soirées d'été, mais avec l'annulation
des festivités, il va falloir trouver de nouveaux
débouchés », s'inquiète Benoît Durivaud,
vice-président du CRC. Partout en
Charente-Maritime, et bien sûr au-delà,
des communes annulent leurs animations estivales avec un impact attendu
sur la fréquentation et sur l'activité des
restaurants.
L'île d'Oléron voit généralement sa
population multipliée par dix en été.
Cette année, il ne faudra pas comp-

ter sur les animations pour doper l'attractivité du territoire. Par mesure de
précaution, la plupart des communes
insulaires ont en effet annulé la totalité de leurs manifestations. Le maire du
Château-d'Oléron Michel Parent est le
seul à maintenir l'ensemble de sa programmation, sous réserve d'un feu vert
de la préfecture. « On ne peut pas espérer
la venue de touristes et ne pas leur proposer
d'animations », explique l'élu, par ailleurs
vice-président du CRC dans les années
1980.
Cultures marines  n°337  Juin 2020

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