Cultures Marines n°338 - 28

28 DOSSIER

Saison des moules
Philippe Ortin :

Il faudrait une plus grande cohésion
de la profession. »

Comment les mytiliculteurs ont-ils vécu
la crise du Covid-19 ?
La saison mytilicole n'était heureusement
pas commencée donc les entreprises n'ont
pas été trop impactées. La saison démarre
pour autant doucement.
Les mytiliculteurs ont dû essuyer de nouvelles mortalités au printemps, quel est le
bilan ?
En effet, il y a eu des mortalités en début
de saison, en Bretagne nord et surtout
dans les Pays de la Loire avec des pertes
moyennes de 30 à 40 % sur les bouchots
et 50 % sur les ﬁlières. On a eu peur mais
le phénomène s'est ﬁnalement arrêté assez vite et le stock qui reste semble
de bonne tenue. Il faudra voir les conséquences à la récolte.

année sur les moules et depuis plusieurs
semaines leur commercialisation est interdite dans certaines zones pour cause
de Dinophysis. C'est la série noire ?
Il y a en effet sur toute la côte normande
et en Bretagne nord des araignées qui font
de gros dégâts sur les parcs. C'est un effet
indirect du Covid-19. Les araignées n'ont
pas été pêchées pendant le conﬁnement
et la seule solution c'est de les ramasser.
La DPMA [direction des Pêches maritimes
et de l'Aquaculture] nous a autorisés à
les pêcher sur nos concessions mais nous
demande de les rejeter en mer après... Et
concernant Dinophysis, c'est un phénomène classique mais il est vrai que sa présence semble plus importante cette année.
C'est peut-être dû aux excès d'eau douce
de cet hiver. En revanche, l'impact du norovirus en début d'année a été moins fort
pour les moules que pour les huîtres.

Les mytiliculteurs de certains bassins rencontrent chaque année des vagues de
mortalités plus ou moins
Plusieurs équipes de
importantes depuis 2014.
scientiﬁques s'inté«
LES
MYTILICULTEURS
Comment font-ils face ?
ressent actuellement aux
N'ONT
PAS
ÉTÉ
TROP
Malheureusement il n'y
microplastiques présents
IMPACTÉS
PAR
LE
a pas beaucoup d'autres
dans les coquillages. Cela
COVID-19
MAIS
LA
solutions que de charger
vous inquiète ?
SAISON
DÉMARRE
un peu plus les parcs et
DOUCEMENT.
»
Ce n'est pas une bonne
de maintenir les prix. Les
publicité pour nos produits.
taux de rentabilité sont
C'est vrai que les moules
moindres, donc pour que
ﬁltrent
beaucoup
mais elles relarguent
les mytiliculteurs s'en sortent ﬁnancièreaussi
beaucoup
!
Il
ne
faut pas non plus tout
ment, il ne faut pas brader les moules. C'est
pour cela que nous avons lancé des mes- mettre sur le dos des moules, les microplassages d'alerte avant la saison, pour expli- tiques, on en trouve partout... Les scientiquer qu'il n'y avait pas plus de stock que ça. ﬁques font des constats, mais il faudrait que
les études soient complètes car on ne sait
L'augmentation des densités de produc- pas si les microplastiques sont toxiques pour
tion ne risque-t-elle pas d'accroître en- l'homme, et il faudrait aussi qu'ils trouvent
core les problèmes zoosanitaires ?
des solutions.
Si, c'est une sorte de fuite en avant. Le
risque est aussi que la qualité ne soit pas En baie du mont Saint-Michel, sur la côte
au rendez-vous si tout pousse. Ce n'est morbihannaise, en Charente-Maritime,
pas facile de savoir s'il faut mettre plus de nombreux sont les exemples de confronmoules en prévision des mortalités ou s'il tations difﬁciles entre les producteurs
mytilicoles et les autres usagers de l'esfaut faire comme d'habitude...
pace littoral. Comment gérer cela ?
Il y a eu beaucoup de prédations cette Il faut se battre pour garder nos espaces !

Marion Larronde-Larretche

Ancien président du Comité national de la conchyliculture (CNC), le
Méditerranéen Philippe Ortin est aujourd'hui à la tête du groupe moules
et autres coquillages du CNC. Entretien.

IL NE FAUT PAS BRADER
LES MOULES. »
Mais les perspectives de développement
sont limitées...
La DPMA a effectué une étude il y a deux
ans pour recenser les zones où la mytiliculture pourrait se développer mais on n'a
pas encore eu les résultats.
Des expériences scientiﬁques ont été menées pour estimer l'intérêt des moules
d'écloserie. Les résultats semblent
montrer que la sélection améliorerait
la résistance face aux maladies. Qu'en
pensez-vous ?
On ne veut pas des moules d'écloserie.
Pour le moment les mytiliculteurs n'en ont
pas besoin. Ce n'est pas une demande de
la profession donc je ne vois pas pourquoi
les scientiﬁques travaillent sur ce sujet.
Quels sont les déﬁs de la mytiliculture
pour les années à venir ?
Il s'agit de conserver notre foncier comme
on l'a déjà évoqué et il faudrait une plus
grande cohésion de la profession. Nous
devons rester unis et essayer d'avancer
tous dans le même sens.
Propos recueillis par
Marion Larronde-Larretche

Cultures marines n°338 Juillet-août 2020

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Cultures Marines n°338

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