Cultures Marines n°341 - 37

DÉCRYPTAGE 37

Méthanisation

Une menace de plus sur la qualité de l'eau
Les exploitations agricoles se lancent dans la production de gaz, une source
de revenus mais aussi une pression supplémentaire sur les cours d'eau.

INQUIÉTUDES

Sur le littoral, aucun dommage
conchylicole n'a été signalé auprès
du comité régional conchylicole de
Bretagne nord lors de la pollution
de l'Aulne. Pour autant le CRC reste
attentif au développement de cette
ﬁlière. Caroline Le Saint, chargée de

Julie Lallouët-Geffroy

i-août, près de 200 000
personnes se retrouvent
sans eau potable pendant plusieurs jours
dans le Finistère. En cause : la cuve
d'un méthaniseur de Châteaulin qui a
déversé son contenu, 400 m³ chargés
en ammoniaque, dans l'Aulne, ﬂeuve
qui se jette dans la rade de Brest. Pas
de chance, la station de potabilisation
était juste à côté.
Cet accident soulève inquiétudes
et interrogations dans la population,
chez les associations et les professionnels. Plusieurs structures, de la
Confédération paysanne à Eaux et
rivières de Bretagne, demandent
un moratoire pour avoir le temps
de contrôler les installations existantes et mieux parer à l'avenir à ce
type d'accidents. Eaux et rivières de
Bretagne va plus loin et souhaite l'arrêt complet de cette ﬁlière d'énergie
renouvelable.

mission environnement au CRC : « La
méthanisation suscite pas mal d'inquiétudes, c'est une pression de plus sur la
qualité de l'eau, qui s'ajoute aux autres. »
La méthanisation a fait ses premiers pas dans les années 2000.
Aujourd'hui en plein essor, elle s'accompagne de son lot d'incidents.
Ainsi en Bretagne, plusieurs pollutions ont déjà été causées par des
méthaniseurs : Beuzec - Cap-Sizun
(Finistère) en 2018, Arzal (Morbihan)
en 2017, Plouaret (Côtes-d'Armor)
en 2015. « Les risques sont surtout
microbiologiques », souligne Caroline
Le Saint. Les bactéries prolifèrent

dans le méthaniseur qui fonctionne
à une température de 40 °C. Par ailleurs, avec un trop-plein de matière
organique, les cours d'eau risquent
de manquer d'oxygène. Et sans oxygène, la faune a bien du mal à survivre. « L'accident de Châteaulin est une
nouvelle atteinte à l'écosystème de la rade
de Brest, déjà soumis à de fortes
», insiste la chargée de
LES RISQUES pressions
mission. Un accident qui l'inDE POLLUTION quiète d'autant plus qu'il est
SONT SURTOUT survenu sur un site industriel
BIOLOGIQUES. dédié à la méthanisation. « La
méthanisation se développe beaucoup sur les exploitations agricoles
en tant qu'activité annexe. Elle se surajoute
au travail des agriculteurs. » Ont-ils le
temps de s'en occuper et d'éviter les
pollutions ? « Il y a déjà régulièrement
des accidents sur les exploitations agricoles,
sans même parler de méthanisation »,
la Confédération paysanne parle d'« énersouligne-t-elle. Les professionnels de
giculteur » et dénonce : « Il n'est pas normal
la ﬁlière assurent que les contrôles
que l'État soit capable de garantir un prix atsont réguliers, que les installations
tractif de l'énergie à vingt ans, mais incapable
sont sécurisées.
de garantir celui des prix agricoles à trois mois. »
De son côté, Caroline Le Saint
BRETAGNE
souligne que le CRC n'est pas destiLa Bretagne, avec le Grand Est, est la région
nataire des enquêtes publiques pour
où la méthanisation se développe le plus.
l'implantation de nouvelles instalSans doute parce qu'elle est une terre aux
lations de méthanisation. Elle invite
élevages nombreux, comme ses déchets
les conchyliculteurs à faire remonter
organiques. Alors que les premières cuves
les informations pour que la profesétaient construites en 2005, la région en
sion soit vigilante sur cette ﬁlière en
compte aujourd'hui 130 dont l'écrasante madéveloppement.
jorité se situe sur les exploitations agricoles.
Julie Lallouët-Geffroy
En épandant
son digestat,
la méthanisation
peut avoir un
impact sur les sols
et les cours d'eau.

›

[ De l'énergie à partir des déjections
Mettez dans une cuve vos efﬂuents d'élevage
et rebuts de culture, mélangez et vous aurez
du gaz et de la chaleur. Le reste, appelé digestat, pourra être utilisé comme engrais pour les
sols. Le gaz, le méthane, est converti en électricité et injecté dans le réseau.
En utilisant leurs déchets pour produire
de l'énergie, les agriculteurs dégagent
un revenu complémentaire à travers des
contrats signés sur vingt ans avec Enedis
(ancien ERDF). De quoi s'assurer une rente,
bien souvent salvatrice. En particulier pour
ceux qui se consacrent à la production
laitière, sujette à des crises du prix régulières. À tel point que le syndicat agricole,

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