Cultures marines n342 - 4

4 ÉVÉNEMENT

Certification

Le label AB en zone A, et B ?
Le nouveau cahier des charges AB s'appliquera en 2022
avec, peut-être, l'obligation de produire en zone A.
Deux lignes réglementaires aux lourdes conséquences.

n 2022, les huîtres et moules
bio pourraient provenir exclusivement des zones classées en A. C'est en tout cas,
l'approche adoptée par l'Institut
national de l'origine et de la qualité, l'Inao. Comme l'explique Olivier
Catrou, responsable du pôle agriculture biologique : « Il y a une volonté
de monter en gamme sur la bio. Parce
qu'il n'y a pas beaucoup de variables sur
lesquelles s'appuyer sur les mollusques,
c'est celle de la qualité des eaux qui a été
mobilisée. » Une vision restrictive à
laquelle s'oppose le Comité national
de la conchyliculture qui souhaite
que les zones A et B aient accès à la
certiﬁcation AB.
Les deux lignes fort indigestes
du règlement européen, adopté en
2018, ouvrent la porte à deux interprétations opposées et renvoient la
balle aux services de l'Union européenne. À eux de trancher. Et ils se
font attendre. « Aujourd'hui, Bruxelles
n'a pas conﬁrmé que les zones B seraient exclues du bio. Nous attendons
toujours une conﬁrmation », précise le
Comité national de la conchyliculture (CNC).
DÉCLASSEMENT

« On marche sur la tête, s'énerve
Frédéric Voisin. Ils n'auront plus personne en bio. » Celui qui a obtenu
son logo vert en 2011 fait partie des
pionniers de la Charente-Maritime à
s'être lancé sur ce marché. Implanté
sur l'île de Ré, il déchante : « On va
se tirer une balle dans le pied, c'est grave
quand même. Si demain je passe en B, je
perds mon agrément. J'ai beau avoir des
claires en A, ça ne sufﬁra pas. En mer, on
ne maîtrise rien du tout. »
C'est bien le nœud du problème :
perdre sa certiﬁcation à cause d'une
qualité des eaux sur laquelle les
producteurs n'ont pas la main. « La
dégradation environnementale va plus
vite que la réglementation et en plus, on
nous bride quand on veut s'éloigner »

du littoral. L'ostréiculteur se dit
« désabusé sur le sujet ». « S'il faut que
la mer soit propre, on n'est pas sorti de
l'auberge. »
Ils sont aujourd'hui dix-huit producteurs certiﬁés AB, selon l'Agence
bio. Sept en Charente-Maritime, un
dans le bassin d'Arcachon, un en
Méditerranée, quatre en Bretagne
sud, trois en baie du mont saint-Michel, deux en Normandie. Pour le
CNC : « L'exclusion des zones B reviendrait à supprimer plus de la moitié
des zones de production bio en
S'IL FAUT
conchyliculture. Dans certains
QUE LA MER
cas, ce sont des régions entières
SOIT PROPRE,
qui ne pourront plus produire en
ON N'EST
bio. »
PAS SORTI DE
Cette crainte du déclasseL'AUBERGE. »
ment n'est pas partagée par
tous. Dans la baie du mont
Saint-Michel, Jean-Marc Boucher,
des Huîtres Querrien, ne se montre
pas inquiet, « pas plus que ça ». La
raison ? La localisation de l'élevage
dans la baie où « ça brasse pas mal ».
De quoi voir s'éloigner le risque
d'un déclassement en B.
Les exploitations situées en
amont semblent plus exposées. En
ria d'Étel, les parcs de Jérôme Loire
sont entourés de terres, dont des
terres agricoles où les vaches tachées de noir pâturent. Il est dans
une zone classé en A depuis plus
de trois ans, mais un tout petit peu

LES ALGUES AUSSI
La production d'algues est concernée par le nouveau règlement européen sur l'agriculture biologique. Elle aussi pourrait être impactée par la restriction des zones de production à celles classées
en A. Aujourd'hui, des algues sont produites en
dehors des zones conchylicoles. Les producteurs
sont donc dans l'obligation d'assurer eux-mêmes
le suivi sanitaire de leur espace de production. Un
suivi qui ne devrait donc qu'être renforcé.

Légende

plus au sud, sur la ria, une deuxième
zone est classée, elle, en B. « À la
différence de l'agriculture, on a une
obligation de résultat, pas de moyens »,
explique-t-il.
Grâce à son bassin de puriﬁcation, le résultat est assuré, « à la
sortie, on a l'équivalent d'une huître
qui a poussé en A », assure l'ostréiculteur certiﬁé AB depuis 2018.
Toute sa production est bio : ses 40
à 50 tonnes d'huîtres creuses, ainsi
que les plates, moules et palourdes
achetées à des collègues. Une partie de la production est vendue sur
les marchés de Lyon, Grenoble et
Briançon, le reste en gros sans mentionner la certiﬁcation AB.
ZONES A

Depuis trente ans, Jérôme Loire
s'inscrit dans une démarche environnementale et d'amélioration de
la qualité des eaux. Il avait travaillé
avec Nature et progrès à la ﬁn des

Cultures marines n°342 Décembre 2020 - janvier 2021

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