produit de la mer - n°179 - Février 2018 - 42

Dossier ❘ RESTAURATION JAPONAISE

Poisson vivant : exigeant mais payant

on pied, bon œil pour le poisson vivant débarqué à la criée de
Quiberon : de 450 kg mis en vente
en 2015, les apports ont grimpé
à 3,3 tonnes l'an dernier. Progression qui
récompense le travail des pêcheurs, du
personnel de la criée et de son directeur
Alexandre Le Brun, passionnés par une
démarche entamée il y a deux ans. « À
force d'essais et au travers des échanges
avec l'aquarium de Vannes, nous avons
obtenu des résultats et pouvons récompenser les pêcheurs sélectionnés. Plutôt
jeunes, ils ont équipé leurs petites unités
de viviers et ont pris des risques. Le marché
se construit et les encourage à poursuivre
le travail, explique-t-il. Leur pêche se valo-

Des hôtes bien vivants de la criée de Quiberon : bars et chinchards font bon ménage.

rise au minimum 50 % de plus que le prix
obtenu en criée. »
Et de citer du chinchard commun vivant
payé 7 €/kg contre 0,80 à 1,20 euro, du grondin perlon 15 €/kg au lieu de 6 à 8 euros, ou
encore de la daurade royale à 25 €/kg. Tout
commence à bord du bateau où le pêcheur
précautionneux limite au maximum le stress
du poisson. Exit les pièces dont les lèvres

À savoir
La criée de Quiberon
augmente son parc
de viviers
cette année.

L.F.

Les bonnes sushiyas
et des étoilés français
sont prêts à mettre
le prix pour acheter
du poisson vivant ou
abattu selon la méthode
ikejime. Plusieurs filières
d'approvisionnement sont
déjà opérationnelles
ou en voie de l'être.

sont abîmées par l'hameçon. « Le turbot
pêché au filet suppose aussi une relève
très rapide. Globalement, le professionnel
pêchera moins mais vendra mieux », soutient Alexandre Le Brun. Un impératif aux
yeux de Patrick Fernandez, poissonnier en
Île-de-France et pionnier dans la distribution de poisson vivant à Paris (lire encadré) : « Le développement du marché sup***

Ikejime, vous dites ?

ette technique de mise à mort du poisson, sans souffrance, permet d'obtenir une chair translucide
prête à maturer, offrant des saveurs insoupçonnées avec le temps. L'opération en plusieurs
étapes commence par la perforation du cervelet qui place le poisson en mort cérébrale.
L'introduction d'un fil rigide dans le petit canal de la moelle épinière permet ensuite de
détendre les muscles et d'éviter les soubresauts : l'animal oublie sa mort. Le saignage intervient
aussitôt après, à la tête et à la queue. Le cœur continuant à battre, le sang est totalement expulsé.
Avec l'ikejime, la mort sans stress maintient l'adénosine triphosphate (ATP), réserve d'énergie cellulaire
qui s'épuise au contraire dans une mort lente et douloureuse. Sans ATP, la chair tourne inévitablement
à l'ammoniac. D'où l'intérêt de maintenir l'ATP qui se décompose en inosinate. Ce composant de la
cinquième saveur - ou umami - influe directement sur le mûrissement de la chair du poisson.
L'art du cuisinier consiste à maîtriser le temps de maturation qui varie beaucoup selon les espèces :
quelques heures pour un chinchard jusqu'à une semaine pour un bar, voire davantage. « En filet, un
bar peut maturer 14 jours et avec certains gros poissons, on peut aller jusqu'à 18 jours », souligne
Philippe Hardy, chef du restaurant Le Mascaret à Blainville-sur-Mer (Manche). La conservation
du poisson (1 à 2 °C) demandera alors un soin extrême. « Pour changer chaque jour le papier
de conditionnement, pas de contact direct avec les mains, je travaille avec des gants », précise
Démonstration de saignage du poisson.
le chef. Du pêcheur jusqu'au chef, le poisson ikejime implique donc une connaissance pointue
Remarquez le poinçon permettant d'écraser
pour tirer le maximum de qualités organoleptiques.
le cervelet et la tige pour extraire la moelle épinière.

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PRODUITS DE LA MER N°179 FÉVRIER 2018

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