produits de la mer - n°194 - Juillet-Août 2019 - 48

Dossier ❘ CREVETTES

« En élaboré, l'espèce et l'origine
n'ont quasiment aucun poids »
Michel Timsit, directeur
du cabinet Gem
(études et stratégies
pour l'agroalimentaire),
est l'un des auteurs
de l'étude FranceAgriMer
« Le marché de
la crevette en France »
de décembre 2017,
avec Hervé Lucien-Brun
et François Falconnet.

L'espèce fait-elle partie des critères
de choix ?
En élaboré, l'espèce n'a quasiment
aucun poids dans la prise de décision. L'élaboration éloigne en effet de la
dimension matière première. La crevette
devient un ingrédient parmi d'autres.
Logiquement, on ne retrouve donc quasiment que de la Penaeus vannamei, la plus
économique. Les consommateurs sont
surtout sensibles à des arguments de réassurance sur la nutrition, la liste d'ingrédients courte ou l'absence d'additifs. Cela
permet de limiter la méfiance vis-à-vis de
produits industriels. L'origine - sauvage
ou d'élevage - n'est pas non plus, dans
ce cas, une préoccupation importante des
consommateurs.

PDM : Comment expliquez-vous le
succès de la crevette élaborée ?
Michel Timsit : Les consommateurs sont à
la recherche de solutions pratiques. Or, la
crevette élaborée apporte de la variété mais
reste facile à servir et surtout à consommer,
par opposition à la crevette non décortiquée cuite, en vrac ou en barquette. La
crevette bénéficie d'une image conviviale,
détendue, voire festive. Elle possède également des atouts nutritionnels.

Que recherchent en priorité les
consommateurs ?
Il faut distinguer plusieurs types de
consommateurs de crevettes. Les amateurs gastronomes sont sensibles à la taille
de la crevette, à la présence de labels, à
la possibilité de la cuisiner eux-mêmes. Les

N'y aurait-il pas pourtant un intérêt à
aller vers d'autres espèces ou origines ?

consommateurs lambda recherchent avant
tout le prix. Ils ne pensent pas à cuisiner
une crevette et recherchent plutôt des crevettes élaborées. Sur ce segment, le bio
ou l'ASC sont des plus mais ces critères
sont secondaires par rapport au goût, à la
recette ou à l'aspect.

Le prix ou la DLC sont-ils des freins ?

Formats des crevettes
au rayon poissonnerie LS
(en nombre de références)

Entières (Hoso)

38 %

Queues décortiquées

48 %

Couronne

Queues non décortiquées

Brochette

Source : FranceAgriMer

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PRODUITS DE LA MER N°194 JUILLET-AOÛT 2019

Le prix ramené à la portion reste effectivement très élevé. Un produit apéritif ou
une entrée affiché à 5 ou 6 euros pour
120 grammes avec sauce... ne convient
qu'à deux personnes. Pour cinq ou six personnes, il faut donc acheter trois packs !
La DLC pourrait être problématique dans
la mesure où il y a moins de rotations sur
les produits élaborés que sur la crevette
entière cuite. Toutefois, les DLC sont plus
longues qu'en crevettes cuites en vrac. On
atteint jusqu'à deux ou trois semaines en
sous-vide.

18,5

%
La part (en nombre
de références)
des produits élaborés
(marinade, persillade,
etc.) au rayon
poissonnerie libreservice en 2017,
soit deux fois plus
qu'en 2015 (9 %).

La crevette d'Équateur, en petit calibre (6080) est une solution envisageable, mais
elle sera déjà deux fois plus chère que la
crevette basique. Les opérateurs peuvent
aussi se pencher vers des produits d'exception, tels que la crevette de Madagascar
ou de Nouvelle-Calédonie, mais ce ne sera
que sur des créneaux spécifiques et festifs.
L'élaboration serait un moyen de valoriser
les crevettes avec des défauts d'aspect, en
décortiqué. L'important est de respecter le
potentiel de chaque espèce et ne pas tromper le consommateur. Mais l'espèce et l'origine ont moins de poids en élaboré.

Quels développements vous semblent
intéressants ?
Après une première expérience il y a dix
ans qui n'avait pas accroché, on voit de
nouveau se développer depuis deux à trois
ans des crevettes marinées crues au rayon
marée traditionnelle, pour une cuisson en
brochette ou en plat principal. En traiteur,
des crevettes décortiquées positionnées
pour les enfants pourraient être une piste
intéressante, car c'est un produit facile à
manger, comme un surimi naturel. Hors
GMS, certains poissonniers proposent des
beignets de crevette faits maison. ■

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