produits de la mer - n°201 - Juin-juillet 2020 - 18

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Bloom et le MSC : où est l'imposture ?
Le MSC est la cible de l'ONG Bloom accusant
l'écolabel d'imposture... avec une vision
très personnelle de la pêche industrielle,
qui dominerait les produits certifiés.
Elle y inclut tous les navires aux arts traînants.

'ONG Bloom est passée maître dans
l'art de la dénonciation et de faire parler
d'elle : pêche profonde, électrique, minotière, subventions publiques... avec des
discours chocs et simplifiés assez efficaces.
Le 5 mai, elle a accusé le MSC « d'imposture ». Une étude - dont Bloom est l'auteure
principale - « démontre que les pêcheries
certifiées par le label MSC sont principalement destructrices et industrielles, à l'inverse de la communication déployée par le
MSC », assène l'ONG.
Elle déplore ainsi que « les méthodes
de pêche les plus destructrices au monde,
comme les chaluts de fond et les dragues,
représentent 83 % des captures certifiées
MSC entre 2009 et 2017 ». L'association
classe dans « destructrices et industrielles »
toute la pêche aux arts traînants. Le coquillier de 14 mètres ? Destructeur et industriel ! Le langoustinier de 16 mètres ?
Destructeur et industriel ! Un avis loin
d'être partagé dans la filière...
Le MSC remet en cause la pertinence
des indicateurs et les méthodes de Bloom :
« La durabilité environnementale de la

15 % des pêches
mondiales,
en volume, sont
certifiées MSC.

16 %
des pêcheries
certifiées sont
artisanales. Mais
elles représentent
le plus gros
des actions.
Objectif 2030 :
un tiers des
pêches mondiales
certifiées,
en évaluation
ou en projet
d'amélioration
(Fip).

pêche ne se mesure ni à la taille d'un
bateau, ni à son engin de pêche. Tous les
engins peuvent avoir des impacts négatifs sur la biodiversité marine s'ils sont mal
gérés. L'important est de s'assurer qu'ils
soient gérés et utilisés de façon à respecter les stocks, les habitats et les espèces
marines environnantes. »
Selon les constats du MSC, seules
« 16 % des pêcheries certifiées MSC sont
issues de pêcheries artisanales, reconnaît Margaux Favret, responsable pêcheries au MSC France. Cela s'explique par
les contraintes rencontrées pour atteindre
la certification : manque de ressources
humaines, financières, de données scientifiques, de gestion des pêcheries. Nous les
accompagnons pour lever ces freins. » La
certification est la partie émergée de l'iceberg : « Depuis plus de 20 ans, nous réalisons un travail de longue haleine pour
accompagner les pêcheries dans leur chemin vers la durabilité, avant la certification.
Nous concentrons essentiellement nos
efforts sur le travail avec les pêcheries artisanales et les pays en développement. »
Le MSC pilote 19 plans d'actions régionaux dans 22 pays dans lesquels la pêche
artisanale est la plus représentée. À l'image
de Medfish en Méditerranée, avec le WWF.
D'autres concernent le Mexique, l'Indonésie, l'Afrique du Sud, le Mozambique,
Madagascar... Une méthodologie est élaborée pour les pêcheries à données limi-

tées. Et un fonds pour la pêche durable de
plus d'un million de livres est en grande
partie dédié aux pêcheries artisanales.
Mais un argument de Bloom semble faire
mouche : la pêche « industrielle » pesant
83 % des volumes certifiés n'est représentée que sur 32 % des photos des supports
de communication du MSC (399 photos étudiées). Dans le détail, « 64 % des
photos montrent des engins passifs, alors
que seulement 17 % des captures certifiées MSC (et 40 % des pêcheries) proviennent de ces engins passifs entre 2009
et 2017 », dénonce Bloom. Et 49 % des
photos montrent des navires de moins de
12 mètres, qui ne pèsent que 7 % des captures et 20 % des pêcheries certifiées.
Le MSC aurait-il cédé à la tentation de
surreprésenter la petite pêche côtière pour
promouvoir son image ? « On ne communique pas que sur les pêcheries certifiées, mais sur l'ensemble de nos actions,
répond Margaux Favret. Et la pêche artisanale pèse beaucoup plus en emplois qu'en
volume, elle mérite d'être mise en avant.
D'autant qu'augmenter sa part est un axe
stratégique pour 2030. » Enfin, si la moitié
des photos montrent de « grands » navires,
« ça montre bien qu'on n'essaie pas de
les cacher ». Dommage d'en arriver à de
telles divisions, alors que chacun entend
défendre la durabilité des océans...
Solène LE ROUX

[Quid des financements ? ]

t Margaux Favret,
responsable pêcheries
au MSC France.

« On a des garde-fous
pour éviter les conflits
d'intérêts. »

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PRODUITS DE LA MER N°201 JUIN-JUILLET 2020

ien de neuf dans ces critiques-là, mais Bloom déplore que « le cabinet chargé d'évaluer
la pêcherie est choisi et rémunéré par... la pêcherie ! Le modèle du MSC repose sur la zone
grise de la corruption : le clientélisme, la confusion des intérêts, la partialité. » « On nous reproche
souvent ce mode de financement, qui est un grand classique. C'est aussi celui du Label rouge,
du bio, du PEFC..., répond Margaux Favret. L'important est qu'on a des garde-fous pour éviter
les conflits d'intérêts. »
Elle en cite plusieurs : les organismes certificateurs doivent être accrédités par l'Accreditation
services international (ASI). L'équipe d'évaluation doit répondre à des critères d'indépendance
et de compétences. Les évaluations sont revues par deux pairs scientifiques indépendants.
Il y a cinq opportunités pour des parties prenantes de participer au processus. Et une procédure
d'objection possible à la fin. « Je pense qu'on a aujourd'hui le système qui permet les décisions
les plus objectives possibles, assure Margaux Favret. Tout est transparent, tout le monde ne peut
pas en dire autant. » Mais le juge final en cas d'objection est payé par le MSC, critique Bloom.
« Oui, concède Margaux Favret. Avant, les objecteurs participaient au financement, mais ce coût
nous a été reproché. Pourtant on le levait en cas de difficulté financière pour que ce ne soit pas
un frein aux objections. Et les décisions des juges ne sont pas toujours en faveur de la pêcherie. »

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