produits de la mer - n°204 - Décembre 2020-Janvier 2021 - 59

Dossier ❘ TRANSPORT DE MARÉE

TRANSPORT DE MARÉE
À flux tendus
Très spécifique, le transport de la marée compte peu d'acteurs.
Stef et Delanchy roulent en tête. Tous assurent le ravitaillement des populations
en ces temps troublés et font preuve d'un réel dynamisme : flottes plus écologiques,
nouvelles lignes et anticipation du Brexit. Pas de temps à perdre !
Dossier: Solªne LE ROUX

Un secteur concentré,
avec deux chefs de file

es acteurs du transport de marée en
France sont peu nombreux. Deux
incontournables assurent une couverture nationale : Stef, leader européen de la logistique du froid, et Delanchy,
acteur majeur du transport de produits frais,
très bien implanté dans la marée. Puis, loin
derrière, Olano, très actif sur l'Europe du
sud. Et enfin des transporteurs régionaux,
inter-ports, ou nationaux spécialisés sur certaines lignes. Comme Transports Mesguen,
qui capte une part des volumes au départ
de Boulogne, ou Guiffant, qui a ouvert une
ligne similaire. Le secteur s'est concentré, le
rachat le plus notable étant celui d'Express
Marée par Stef en 2018, qui a fait passer
Stef n°1 alors qu'il était au coude-à-coude
avec Delanchy. « C'était un partenaire historique, ce rachat s'est fait en toute logique,
pendant un changement générationnel »,
explique Michel Fons, directeur de l'activité
seafood à Stef. Pour lui, la marée reste un
marché de niche au vu de ses contraintes
spécifiques : « Il s'agit en grande majorité
de caisses en polystyrène avec des écoulements d'eau nettoyés après chaque voyage.
C'est un métier de spécialistes avec peu
de volumes. » Et imprévisibles, avec des
horaires tributaires des criées et des délais
serrés. Peu de généralistes s'y risquent.
Des transporteurs étrangers ont aussi
des bases en France, comme John Driege
et O'Toole, associés dans une nouvelle ligne
Écosse-Boulogne. Et bien sûr, des grossistes

Impact carbone :
place au mix énergétique

ont leurs véhicules, comme Le Saint, Ame
Haslé, Pomona... Mais « de moins en moins
de mareyeurs ont leur flotte, constate le
transporteur breton Luc Guiffant. Certains
en sont revenus, comme Furic. Chacun son
métier. » En revanche, la famille Omnes
(La marée pour tous) en a fait un second
métier avec succès, en se concentrant sur
deux zones. Les concurrents sont souvent
partenaires, raconte Jacques Omnes : « À
Boulogne et Lorient, on sous-loue des lieux
de réception des marchandises à des collègues une à trois heures. » « Il y a des
synergies sur les chargements, ajoute Luc
Guiffant. Faire rouler deux camions à moitié vides, c'est idiot. On s'arrange. Tout le
monde s'y retrouve, même le client. » Et
l'environnement.
Limiter l'impact carbone est l'un des
grands enjeux du secteur, qui progresse,
poussé par des normes européennes exigeantes. « On change souvent de véhicules, témoigne Luc Guiffant. Quasiment
toute notre flotte est à la norme Euro 6.
Nos camions polluent moins que certaines
voitures. » Le confort progresse en parallèle. En matière sociale comme environnementale, mention spéciale à Delanchy, fer
de lance dans le transport frigorifique électrique et bientôt dans l'hydrogène. « Tant
mieux qu'il y ait quelqu'un comme ça dans
notre métier, admire Jacques Omnes. Pour
l'instant, il n'y a pas de petit format frigorifique électrique. Mais il y aura une demande

5,7

%
Le poids des camions
de marchandise dans
les émissions de CO2
en France.

-9

%
de consommation
de carburant par km
conduit en 10 ans.

%
des camions en
circulation pour
compte d'autrui
en France sont aux
normes européennes
d'émissions les plus
restrictives, Euro 5 et 6
(69 % en Euro 6).

(source : Fédération
nationale des transports
routiers)

Confinement, Brexit :
la logistique s'adapte

des villes, une pression sur les constructeurs
pour compléter la gamme. » Chez Stef, le
développement durable se décline avec des
véhicules au gaz, électriques, une flotte
Euro 6, des expériences de triporteurs en
centre-ville (hors produits de la mer)...
Chacun optimise aussi les circuits,
évite de rouler à vide, quitte à assurer des
retours de bacs de criée et de caisses de
marée. Le fabricant d'emballages Knauf
pilote une collecte de caisses pour leur
recyclage (lire page 46). Les initiatives de
« reverse logistics » se multiplient. Stef
récupère des coproduits de mareyage pour
les orienter vers des unités de valorisation
en engrais organique de Veolia. Delanchy
teste à l'agence Frigo Transports 30 un service d'échange de palettes en Europe, plutôt que de les réacheminer chez les clients,
avec la plateforme collaborative de la startup Magic Pallet. Mais des évolutions vont
à contresens. « Avec le développement
des petits colisages, toujours plus légers,
nous ne mettons plus que 6 tonnes dans
un camion au lieu de 10, déplore Brigitte
Delanchy. Économiquement comme écologiquement, ce n'est pas viable. » Le
constat est unanime. « Les restaurants et
poissonneries veulent être livrés tous les
jours, observe Jacques Omnes. Avant, un
stock pour deux jours était accepté. Au lieu
de livrer 4 kg, on livre deux fois 2 kg. Ça
augmente les manipulations et le coût des
livraisons. »

PRODUITS DE LA MER N°204 DÉCEMBRE-JANVIER 2021

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