Doctorat et Notariat - L'organisation de la liquidation du passif successoral - Tome 50 - 34

L'ORGANISATION DE LA LIQUIDATION DU PASSIF SUCCESSORAL

SECTION I
LA BILATÉRALISATION DU DROIT DE PRÉFÉRENCE
21. L'objectif poursuivi par la bilatéralisation du droit de préférence de l'article 878 du Code civil6 est de neutraliser les risques inhérents à la confusion des
patrimoines à l'égard de tous ceux qu'elle menace7. La réforme opérée est pavée
de bonnes intentions. Mais à y regarder de plus près, elle repose sur une protection respectivement précaire des créanciers successoraux et des légataires (I) et
infondée des créanciers personnels de l'héritier (II).
I. UNE PROTECTION PRÉCAIRE DES CRÉANCIERS
SUCCESSORAUx ET DES LÉGATAIRES DE SOMMES D'ARGENT
22. Le droit de préférence de l'article 878 du Code civil n'assure aux créanciers successoraux et légataires de sommes d'argent qu'une protection précaire à
raison de la structure contre nature de l'institution conduisant à son ajustement
défectueux.
A. LA STRUCTURE CONTRE NATURE DE L'INSTITUTION
23. Le droit de préférence des créanciers successoraux est une institution successorale d'essence collective organisée de manière individuelle en vue de concilier
des finalités antagonistes.
1. Une institution successorale d'essence collective
24. Un mécanisme défensif destiné à corriger les effets de la confusion des patrimoines. Le statut du passif successoral étant dominé par l'option héréditaire, le droit
de préférence de l'article 878 du Code civil est destiné à faire contrepoids aux effets
de la confusion des patrimoines consécutive à l'acceptation pure et simple de la succession par l'héritier. La finalité est d'éviter aux créanciers successoraux d'avoir à
souffrir des conséquences liées à la perte de leur débiteur et de son remplacement
par un héritier insolvable, en préservant la situation qui était la leur du vivant du de
cujus8. Le droit de préférence des créanciers du de cujus repose sur l'idée de maintien
de leurs gage et droits respectifs antérieurs. Ces solutions étaient garanties en droit
romain par une organisation collective de la separatio bonorum, dont émane le
droit de préférence de l'article 878.
25. L'organisation collective de la separatio bonorum du droit romain. Création
d'origine prétorienne, la separatio bonorum du droit romain constituait un avantage
unilatéral en faveur des créanciers successoraux emportant une séparation étanche
des patrimoines successoral et personnel de l'héritier9. Aussi les créanciers successoraux étaient-ils prémunis de manière certaine contre l'insolvabilité de l'héritier dans
la mesure où les biens successoraux étaient soustraits aux poursuites des créanciers
personnels de celui-ci. L'institution pouvait être sollicitée au cours de la procédure
de la venditio bonorum à laquelle était soumis l'héritier ayant cessé ses paiements. La
6. L'expression est celle de Monsieur Brémond : « Les nouveaux tempéraments à l'obligation
ultra vires successionis », JCP N 2006, Étude 1366, p. 2084.
7. M. Grimaldi, ibidem.
8. Ch. Demolombe, Traité des successions, Tome V, 1860, n° 113, p. 128.
9. E.-A.-A.-J. Siron, Des effets de la séparation des patrimoines, th. dactyl. Lille, 1905, p. 69.

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