Doctorat et Notariat - L'organisation de la liquidation du passif successoral - Tome 50 - 44

L'ORGANISATION DE LA LIQUIDATION DU PASSIF SUCCESSORAL

obligation indéfinie au passif successoral est, d'ordinaire, théorique74. Certes, ce dispositif
favorable à l'héritier ne l'est qu'autant qu'il opte en pleine connaissance de cause. Or, l'héritier accepte purement et simplement la succession au regard d'une solvabilité globalement
apparente de la succession. Il peut, du reste, être surpris par une acceptation tacite consécutive à l'administration de la succession qu'il souhaitait provisoire ou conservatoire. Mais
précisément, la loi du 23 juin 2006 s'est efforcée de remédier aux dangers que
présente pour l'héritier, et par ricochet pour ses créanciers, l'acceptation pure et
simple d'une succession obérée.
B. LA LIBERTÉ DU DÉBITEUR DE S'OBLIGER
PAR DE NOUVEAUX ENGAGEMENTS
47. La liberté de l'héritier d'accepter purement et simplement une succession
déficitaire. Sous réserve de mesures affectant l'exercice de ses droits, une personne
est libre de s'obliger par de nouveaux engagements. En s'engageant avec leur débiteur, ses créanciers acceptent qu'il puisse aggraver leur condition en contractant
de nouvelles obligations. Selon la formule d'Ulpien75, « licet alicui, adjiciendo
sibi creditorem, creditoris sui deteriorem facere conditionem »76. L'héritier use de
cette liberté en acceptant une succession insolvable77. Les biens d'un débiteur
constituant le gage commun de tous ses créanciers, les créanciers antérieurs sont
appelés à y concourir à égalité avec les créanciers postérieurs. Avec Demolombe,
il faut considérer que les créanciers personnels de l'héritier « ne peuvent donc pas
plus écarter de son patrimoine la concurrence des créanciers d'une succession qu'il
accepte, qu'ils ne pourraient écarter la concurrence de tout autre créancier nouveau,
vendeur ou prêteur, envers lequel il serait obligé »78. Les créanciers de la succession se trouvent dans une toute autre situation. À leur égard, la concession d'un
droit de préférence sur les biens de la succession est destinée à remédier aux
conséquences liées à la perte de leur débiteur à raison d'un évènement incertain,
son décès79. Déjà évoquée, l'idée est de maintenir le gage des créanciers successoraux tel qu'il existait du vivant de leur débiteur afin que son décès ne leur porte
pas préjudice. Ces raisons avaient conduit les rédacteurs du Code civil à exclure la
réciprocité du bénéfice de la séparation des patrimoines pratiqué le plus fréquemment dans l'ancien droit coutumier et à consacrer la conception romaine d'avantage unilatéral en faveur des créanciers successoraux défendue par Lebrun et
Pothier80.
48. La limite de la fraude de l'héritier. Il convient de souligner que l'acceptation volontaire par l'héritier d'une succession déficitaire serait non seulement
exceptionnelle en pratique, mais ne devrait pas avoir pour effet de le rendre lui-même
74. J. Héron, Le morcellement des successions internationales, th. Economica, 1986, n° 75.
75. Ch. Demolombe, op. cit., n° 113, p. 128.
76. « Il est permis à quiconque d'aggraver la condition de ses créanciers en s'en créant de nouveaux » : H. Roland, Lexique juridique - Expressions latines, Litec, 4e éd., 2006.
77. Ch. Demolombe, ibidem.
78. Ch. Demolombe, op. cit., p. 129.
79. Ibidem.
80. E.-A.-A.-J. Siron, th. préc., p. 62. C'est pour ces mêmes raisons que la Société d'Études
Législatives avait rejeté l'idée d'une réciprocité du bénéfice de la séparation des patrimoines : J. Percerou, Rapport présenté au nom de la Commission chargée de la préparation d'un projet de loi sur le
règlement du passif héréditaire, Bull. Sté. Et. Lég. 1910, p. 260.

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