Doctorat et Notariat - L'organisation de la liquidation du passif successoral - Tome 50 - 81

LE DESSAISISSEMENT DE L'HÉRITIER PAR LA VOLONTÉ DU DE CUJUS

B. UNE TECHNIQUE ÉLUDANT LE TRANSFERT
DE PROPRIÉTÉ FIDUCIAIRE
111. Le mandataire à effet posthume et l'exécuteur testamentaire investi
d'une mission liquidative bénéficient d'une grande indépendance à l'égard de
l'héritier pour le compte duquel ils exécutent leur mission et des pouvoirs importants. En l'absence de transfert de propriété, des pouvoirs analogues à ceux qui en
relèvent leur sont concédés. Le législateur n'a pas entendu remettre en cause l'acquisition immédiate des droits par l'héritier. Par voie de conséquence, les pouvoirs
de l'administrateur ne résultent pas d'un droit réel qui lui aurait été transmis. Le
subterfuge destiné à contourner un transfert de propriété contrariant la transmission immédiate de la succession, et propice à la fraude fiscale, a été trouvé dans le
dessaisissement sans représentation de l'héritier. La technique est assurément
habile, car elle aboutit à une sorte de démembrement original du droit de propriété, à la manière du trust93. Il va sans dire que la compréhension des administrations organisées par le de cujus au regard des institutions juridiques du droit
français est malaisée. Les administrateurs successoraux tiennent leurs pouvoirs
du de cujus au moyen d'un acte juridique leur déniant tout droit réel. Précisément,
les pouvoirs du mandataire à effet posthume semblent procéder du contrat de
gestion conceptualisé par Monsieur Cuif. Quant à l'exécuteur testamentaire,
celui-ci tient ses pouvoirs du testament qui est un acte juridique unilatéral translatif de droits au profit des légataires94. Lorsqu'elle a pour effet de dessaisir les
héritiers de l'administration et de la liquidation de la succession, l'exécution testamentaire constitue un succédané d'une transmission successorale de type
anglo-saxon.
1. Le mandat à effet posthume, une variété de contrat de gestion
conceptualisé par Monsieur Cuif
112. Avant la promulgation des lois du 23 juin 2006 et du 19 février 2007,
Monsieur Cuif a conceptualisé le contrat de gestion95. Ce contrat relatif aux intérêts d'autrui investit le gestionnaire du pouvoir d'accomplir les actes matériels et
juridiques sur ses biens en vue de leur valorisation96. Les parties à un tel contrat
recherchent plus spécifiquement une grande autonomie du gestionnaire dans
l'accomplissement de sa mission97. L'objectif est de décharger totalement le géré
de l'administration des biens confiés. La gestion conventionnelle proposée présente un intérêt avéré puisqu'elle permet d'obtenir les avantages de la technique
fiduciaire sans les inconvénients attachés au transfert de propriété. On comprend
dès lors qu'elle est rétive à toute qualification reposant sur un contrat nommé
relatif aux intérêts d'autrui98. Partant, la qualification de la gestion a été recherchée
93. Sur l'idée d'un démembrement de la propriété dans l'exécution testamentaire : N. Bollon,
Étude critique de la notion de patrimoine en droit des régimes matrimoniaux et des successions, th. dactyl. Lyon 3, 2008, n° 350.
94. Sur l'effet translatif du testament, voir : J. Flour, J.-L. Aubert et E. Savaux, Droit civil - Les
obligations, L'acte juridique, Tome 1, 13e éd., Sirey, 2008, n° 498.
95. P.-F. Cuif, Le contrat de gestion, th. Economica, Tome 10, 2004.
96. P.-F. Cuif, th. préc., n° 156.
97. P.-F. Cuif, th. préc., n° 248.
98. L'autonomie du gestionnaire recherchée par les parties dans l'accomplissement de sa mission exclut que la gestion des biens d'autrui puisse être réalisée au travers des contrats emportant
représentation du géré - contrats essentiellement ou non représentatifs - dans la mesure où la personne agissant dans l'intérêt d'autrui reste, de façon variable, sous la dépendance de sa volonté. Ainsi

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