Doctorat et Notariat - L'organisation de la liquidation du passif successoral - Tome 50 - 85

LE DESSAISISSEMENT DE L'HÉRITIER PAR LA VOLONTÉ DU DE CUJUS

personal representative du droit anglais, en l'occurrence, l'executor120. Il apparaît
comme un « intermédiaire » de la succession opérant en qualité de détenteur précaire des biens de la succession. Les héritiers dessaisis ne peuvent, en aucune
façon, intervenir dans l'administration de la succession. Ils sont seulement fondés
à agir en justice pour demander la destitution de l'exécuteur testamentaire pour
motifs graves (art. 1026 C. civ.)121. Au terme de sa mission, l'exécuteur testamentaire peut rendre les biens subsistants indifféremment en nature ou l'équivalent en
valeur, en fonction des pouvoirs octroyés par le de cujus. L'obligation de restitution en valeur s'avère particulièrement utile pour le partage des biens dont la
nature le rend malaisé ou pour l'exécution de legs particuliers de sommes d'argent
en l'absence de liquidités suffisantes. L'indépendance de l'administrateur désigné
par le de cujus à l'égard des héritiers est poussée à son plus haut degré d'acuité
dans l'exécution testamentaire assortie d'une mission liquidative. L'absence de
représentation des héritiers dessaisis et l'engagement personnel de l'exécuteur testamentaire dans l'accomplissement de sa mission en découlent rationnellement. À
cet égard, l'article 1034 du Code civil prévoit que les frais engagés dans l'accomplissement de sa mission sont supportés par l'exécuteur testamentaire122. Les tiers
avec lesquels ce dernier traite dans l'exécution de sa mission sont ses propres
créanciers. Ils peuvent, le cas échéant, le poursuivre en paiement de leur créance
sur ses biens personnels123.
117. Au final, il apparaît qu'en s'appuyant sur la technique du dessaisissement sans représentation de l'héritier, le mandat à effet posthume et l'exécution testamentaire assortie d'une mission liquidative préservent ingénieusement
la transmission immédiate de la succession par l'héritier. Sous cet angle, les
administrations successorales organisées par le de cujus ne semblent avoir
entamé que modérément les principes de notre droit successoral. En réalité,
l'atteinte portée, de manière plus ou moins furtive, aux principes traditionnels
du droit français est plus importante qu'il n'y paraît de prime abord. Empruntant leurs caractères à une administration successorale de type anglo-saxon et
à la fiducie successorale124, elles aboutissent à une sorte de démembrement
original de la propriété au profit d'un administrateur gérant les biens sous sa
responsabilité. Partant, il apparaît nécessaire d'harmoniser les règles ordinaires de poursuite des créanciers successoraux et d'obligation à la dette de
l'héritier au mandat à effet posthume et à l'exécution testamentaire assortie
d'une mission liquidative.

120. Il existe en droit anglais deux catégories de personal representative. L'executor est choisi
par le défunt. À défaut de désignation faite par le de cujus ou en l'absence de testament, le personal representative est l'administrator. Le statut de l'executor et de l'administrator diffère essentiellement dans la procédure de désignation du personal representative : Y.-H. Leleu, th. préc.,
p. 219 et s.
121. Et à défaut de stipulations contraires dans le testament, l'obligation de rendre compte est
exécutée dans les six mois suivant la fin de la mission de l'exécuteur testamentaire (art. 1033 al. 1
C. civ.).
122. Le texte dispose précisément que « les frais supportés par l'exécuteur testamentaire dans
l'exercice de sa mission sont à la charge de la succession ».
123. Mais ayant la détention de la succession, l'exécuteur testamentaire pourra régler les tiers
pour leur créance afférente à l'exécution de sa mission avec les liquidités successorales disponibles ou
avec le produit des réalisations des biens héréditaires.
124. Ph. Malaurie, op. cit., n° 168.

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