Expertise notariale - Un an d'application de la réforme des contrats. Quel impact sur la pratique notariale ? - 2017-2018 - 1er - 151

LA CESSION DE CONTRAT ET LA CESSION DE DETTE 151

cession de contrat ne fait guère de doute, comme le montrent ses consécrations spéciales de plus en plus nombreuses.
224. Le Code civil comportait quelques cessions de contrat (art. 1717, 1743...).
Depuis 1804, l'institution a connu de nombreuses consécrations légales
(contrat de travail : C. trav., art. L. 1224-1 ; contrat d'assurance : C. assur.,
art. L. 121-10 ; contrat d'édition : CPI, art. L. 138-15 ; vente d'immeuble à
construire : C. civ., art. 1601-4 ; C. civ., art. 1831-3), la loi obligeant parfois
les parties à régler les conditions d'une cession éventuelle (C. com., art.
L. 330-3), ou à mentionner que le contrat est cessible, ou quelles sont les
conditions de sa cessibilité, ou autorisant le tribunal à imposer sa cession,
en cas de procédure d'insolvabilité, ou interdisant d'empêcher sa cession
(bail commercial). La jurisprudence a elle-même reconnu l'autonomie de
la cession d'une promesse de vente3 ou d'un bail4. L'ordonnance du
10 février 2016 généralise ces consécrations partielles, qui conserveront
cependant leur utilité en ce qu'elles dérogent au droit commun et constituent des « règles particulières » au sens de l'article 1105 alinéa 35.
225. L'apport de l'ordonnance est triple :
- la cession de contrat devient une institution appartenant à la théorie
générale du contrat. La cession de contrat n'est donc plus une possibilité
subordonnée à une autorisation légale ou une prévision contractuelle
spéciales. Au contraire, c'est l'incessibilité du contrat qui devient exceptionnelle ;
- l'objet de la cession de contrat est exactement décrit à l'article 1216 nouveau : la « qualité de partie au contrat ». Il ne s'agit donc ni d'une cession de
créance, ni d'une cession de dette. Certes, la qualité de partie au contrat
comporte le droit à une prestation (créance) et l'obligation de la fournir
(dette) ; mais il y a beaucoup plus : en particulier l'exercice des prérogatives contractuelles (droit de demander ou d'exercer la résolution ou la
résiliation, droit d'agir en nullité, d'exercer les interpellations, d'exercer
un agrément, de fixer unilatéralement le prix, de demander et d'accepter la révision, de céder le contrat...) et la soumission aux devoirs contractuels, spécialement celui d'exécuter le contrat de bonne foi... Se trouve
3. Cass. 1re civ., 14 déc. 1982, Bull. civ. I, nº 360, D. 1983, 416, note L. Aynès ; Cass. 3e civ., 12 avr.
2012, Bull. civ. III, nº 60.
4. Cass. civ., 7 janv. 1947, JCP G 1947, II 3510, note J. Becqué ; RTD civ. 1947, 201, note
J. Carbonnier ; Cass. soc., 12 nov. 1954, D. 1955, 22 ; RTD civ. 1955, 334, obs. J. Carbonnier.
5. Elles seront cependant soumises au nouveau droit commun sur tous les points non expressément régis par le droit spécial (H. Bosse-Platière et B. Grimonprez, La cession du bail rural
transfigurée par la réforme du droit des contrats, JCP N 2016, 1295 ; R.-N. Schütz, Le droit du
bail après la réforme du droit commun des contrats, en attendant celle des contrats spéciaux,
in L. Andreu et M. Mignot (dir.), Les contrats spéciaux et la réforme du droit des obligations,
Institut Universitaire Varenne, 2017, p. 51, nº 34 et s.).

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