Expertise notariale - Un an d'application de la réforme des contrats. Quel impact sur la pratique notariale ? - 2017-2018 - 1er - 158

158 UN AN D'APPLICATION DE LA RÉFORME DES CONTRATS

raison simple : le débiteur n'a aucun pouvoir sur sa propre dette ; laquelle
constitue au contraire un pouvoir de contrainte aux mains du créancier
contre lui. Tout au plus peut-il obtenir d'un tiers qu'il le décharge de sa
dette en s'engageant à la payer (cession interne). Il peut aussi permettre
au créancier d'acquérir un droit de poursuite contre le tiers, au moyen
d'une stipulation pour autrui (cession cumulative). Mais pour obliger le
créancier à se contenter de ce droit (cession parfaite), il est nécessaire d'obtenir le consentement de celui-ci. La délégation imparfaite (cession cumulative) et parfaite (cession parfaite) permet de parvenir à ce résultat.
242. Demeurait cependant une question : est-il possible de préserver l'identité
du rapport d'obligation en dépit du changement de débiteur28 ? Car la stipulation pour autrui et la délégation parviennent pratiquement à la reprise
de dette, mais par le biais d'un engagement nouveau du tiers substitué. Certes, il est possible de calquer ce nouvel engagement sur celui du débiteur
originaire, comme dans la délégation incertaine29 ; mais ce procédé indirect - et toujours imparfait - suppose une convention spéciale. L'apport
principal de l'ordonnance sur ce point est précisément, en donnant au
débiteur le pouvoir de « céder sa dette » (art. 1327), d'affirmer implicitement
que la dette demeure identique en dépit du changement de débiteur.
Théoriquement, l'apport est important. En pratique, il est plus modeste,
et ce pour deux raisons : d'une part, la délégation incertaine aboutit au
même résultat, et il est probable que la pratique continue d'y recourir, ne
serait-ce que parce son régime est mieux maîtrisé ; d'autre part, le créancier
demandera bien souvent au tiers souhaitant reprendre la dette d'assumer
également les obligations accessoires du contrat (ex. obligation d'assurer le
bien financé, clause pari passu, etc.), auquel cas l'opération vire à la cession
de contrat.
243. Quoi qu'il en soit, la reprise de dette peut désormais être réalisée au moyen
de plusieurs opérations : la délégation incertaine (novatoire ou non), la cession de dette et la stipulation pour autrui. Cette pluralité soulèvera des
questions de frontières et d'interprétation, dont on aurait pu se passer30
et auxquelles les praticiens devront être attentifs.
244. Pour le reste, la réalisation de la cession de dette ne diffère pas fondamentalement de celle d'une délégation : un contrat entre le cédant et le cessionnaire (contrat de cession), auquel le créancier cédé doit donner son accord
28. L. Andreu, Du changement de débiteur, thèse Dalloz, 2010, préf. D.R. Martin.
29. L. Aynès, op. cit., nº 58 et les références citées.
30. V. en particulier, J. François, Les opérations sur la dette, in Réforme du droit des contrats :
quelles innovations ?, RDC 2016, Hors-série, p. 50 et s. ; M. Julienne, La cession de dette, une
théorie inachevée, Dr. & patr. 2016, nº 260, p. 56.

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