Expertise notariale - Un an d'application de la réforme des contrats. Quel impact sur la pratique notariale ? - 2017-2018 - 1er - 173

LA NOVATION ET LA DÉLÉGATION 173

délégant-délégataire : l'existence d'une inopposabilité au délégataire des
exceptions tenant au rapport délégant-délégataire confère un caractère
indépendant voire autonome à la délégation et paraît admise en jurisprudence, au moins par la Chambre commerciale de la Cour de cassation.
La Chambre commerciale a ainsi décidé le 25 février 1992 que « le délégué ne
peut, sauf clause contraire, opposer au délégataire les exceptions dont le délégant
pouvait se prévaloir à l'égard de celui-ci »34 tandis qu'un arrêt de cette même
chambre en date du 7 décembre 2004 a, dans une hypothèse pourtant de
délégation incertaine, jugé que le délégué ne pouvait invoquer l'extinction
de la créance du délégant envers le délégataire35.
Elle est toutefois moins fermement établie en droit positif si l'on se réfère
notamment à une décision bien connue de la première chambre civile36.
C'est tout l'intérêt de la réforme que d'avoir clarifié et simplifié ces
solutions.
En l'absence de volonté contraire, l'adjonction d'une obligation neuve
donc immaculée commande ici encore de retenir un principe - supplétif
- d'inopposabilité des exceptions.
Aussi, le régime des exceptions est-il gouverné par l'affirmation supplétive
d'une double inopposabilité par le délégué des exceptions tenant à son rapport avec le délégant ainsi que de celles tenant au rapport entre le délégant
et le délégataire. L'article 1336 alinéa 2 dispose donc que « le délégué ne peut,
sauf stipulation contraire, opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre ce dernier et le délégataire ».
Ce principe supplétif présente l'insigne avantage d'éviter toute controverse
sur ce point.
34. Cass. com., 25 févr. 1992, JCP 1992 G II, 21922 (2e esp.), note M. Billiau. V. déjà, CA Paris,
15e Ch. A, 9 avr. 1991, D. 1992, somm., p. 307, obs. M. Vasseur ; RTD com. 1992, p. 845,
obs. M. Cabrillac et B. Teyssié, indiquant sans autre précision qu'en matière de délégation
imparfaite, la créance du délégataire à l'encontre du délégué est indépendante des rapports
entre le délégant et le délégataire.
35. Cass. com., 7 déc. 2004, Bull. civ. IV, nº 214 : « Attendu, en second lieu, que la cour d'appel qui n'a
pas méconnu l'objet du litige et dénaturé l'acte de vente conclu entre la société du Groupe Trianon et la
société Francim, a retenu que l'obligation de cette société envers les époux X... résultant de la délégation
contenue à cet acte, était une obligation personnelle à la société Francim, indépendante de l'obligation de
la société Groupe Trianon de sorte que l'extinction de la créance des époux X... contre cette société pour
défaut de déclaration au passif de sa liquidation judiciaire avait laissé subsister l'obligation distincte de
la société Francim ».
36. La première Chambre civile semble avoir une position différente : elle a en effet jugé, le
17 mars 1992, que « le délégué est seulement obligé au paiement de la dette du délégant envers le délégataire et il se trouve déchargé de son obligation lorsque la créance de ce dernier est éteinte par la prescription » (opposabilité des exceptions tenant au rapport délégant-délégataire) : Cass. 1re civ.,
17 mars 1992, Bull. civ. I, nº 84 ; D. 1992, p. 481, note L. Aynès ; JCP G 1992, II, 21922
(1re esp.), note M. Billiau ; RTD civ. 1992, p. 765, obs. J. Mestre.

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